Reportage
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En Helvétie, la production de sel doit satisfaire à toute la demande locale. Soumise à un monopole depuis le XVIIe siècle, cette denrée se cache dans les tréfonds de la terre. La dernière mine suisse est consacrée au sel. Reportage aux Salines de Bex.
Le petit train électrique s’enfonce dans la terre et file en bringuebalant dans des tunnels si bas qu’on pourrait à peine y tenir debout. Des lampes munies de numéros ponctuent le parcours, mais impossible de savoir si le train monte ou descend. Enfin, le wagonnet s’arrête dans une gare souterraine. Notre guide nous indique que nous avons grimpé d’environ vingt mètres sur 1,6 kilomètre de rails. Les gens qui dès le XVIIe siècle ont créé ces galeries avaient leurs raisons. «Mieux vaut descendre pour sortir des rochers hors de la mine», explique Arnaud Tamborini, chef de production du site de Bex pour les Salines Suisses.
La petite gare qui accueille les visiteurs au cœur de ce massif est d’un calme total. Il fait 18 degrés et l’humidité relative s’élève à 80%. Les entrailles de la terre sont à la fois oppressantes et rassurantes. Bienvenue aux Salines de Bex, dans le canton de Vaud. Il s’agit de la seule mine de sel du pays, dans une région qui en a compté plusieurs par le passé. Cela, à une époque où la saumure – de l’eau saturée de sel – extraite des roches était placée dans de grandes bouilloires chauffées au feu de bois pour en recueillir le précieux élément. C’est aussi la seule mine suisse tout court. Ici, chaque boyau ou caverne raconte une histoire. C’est le cas notamment du puits du Bouillet, creusé 26 années durant sur 200 mètres de profondeur par des hommes munis d’un marteau et d’un couteau. Sans découvrir de sel.
Saler un plat ou une route? Ces gestes banals cachent une histoire qui l’est moins, puisque durant des siècles, le sel a constitué un symbole du pouvoir (voir encadré). Cette denrée continue aujourd’hui de posséder un statut spécial en Suisse. Ainsi, tout le sel extrait chaque année dans ce pays est quasi entièrement dédié au marché suisse. Et son importation est sévèrement contrôlée. Une seule entreprise est aux commandes et fixe les prix: les Salines Suisses, propriété de tous les cantons et de la principauté de Liechtenstein. Une convention intercantonale datée de 1973 garantit l’approvisionnement en sel de toutes les régions de Suisse. Ce monopole a d’ailleurs déjà fait pas mal couler d’encre, car il voit les cantons fixer les prix du sel unilatéralement. Et puis tirer profit de la vente à des communes pour leur déneigement.
L’or blanc provient de trois lieux: la saline de Riburg (AG), située à l’est de Bâle, celle de Schweizerhalle (BL) et celle de Bex (VD). Elles produisent chaque année jusqu’à 650’000 tonnes de sel. Sur le Plateau, celui-ci a formé des couches souterraines d’une épaisseur de 20 à 50 mètres, enfouies à 250 mètres de profondeur. On y fore la terre comme on fore les plaines pétrolières du Texas. À Bex cependant, des hommes s’activent dans des galeries à la recherche de veines. Le sel alimentaire qui provient de leur travail est présenté comme un produit artisanal. On le retrouve dans les grandes surfaces sous le nom de «Sel des Alpes». «C’est un produit qui a une histoire et qui est traité comme un article premium», met en avant Arnaud Tamborini. Le marketing est soigné. Les paquets de «Sel des Alpes» sont vendus quelques dizaines de centimes plus cher que le simple «JuraSel», produit à Bâle.
Le goût diffère-t-il d’un sel à l’autre? Le sel jurassien du Rhin est un peu plus agressif sur le bout de la langue, juge l’association Patrimoine suisse culinaire. Les salines de Bex ont exploité cette veine en produisant leur produit «Fleur des Alpes», un sel produit dans la montagne. L’eau des glaciers qui y coule s’est chargée de sel et d’autres minéraux. Elle s’évapore dans des réservoirs. Puis les cristaux sont ramassés à la main et étalés sur des planches de mélèze.
Dans les mines de Bex, le nombre de mineurs est de… trois. Cette force de travail suffit à répondre à la production des Salines de Bex, qui est calibrée pour fournir environ 30’000 tonnes de sel par an. Ces hommes forent le rocher jusqu’à 800 mètres de profondeur. Les carottes qui sont extraites de la montagne – par sections de trois mètres – permettent de découvrir où se situent les veines de sel. «On apprend à connaître notre gisement en forant», résume Arnaud Tamborini. Ensuite, un tube percé inséré dans un autre conduit est introduit dans le forage pour atteindre la hauteur d’une veine. De l’eau de source y est injectée sous haute pression. Elle vient dissoudre l’or blanc, se charge de sel et file en aval, direction le site de production de Bex.
Seulement 10% environ de l’or blanc vaudois est destiné à l’alimentation. Le reste est utilisé pour le salage des routes et à des fins industrielles. L’usine dispose d’ailleurs d’un entrepôt de stockage d’une capacité totale de 12’000 tonnes. Dans un hangar, le visiteur se retrouve face à une montagne de sel! N’est-ce pas dommage de jeter tout ce sel par terre? Les Salines Suisses indiquent que les volumes de production dédiés au sel alimentaire de Bex devraient augmenter dans le futur, grâce notamment à l’exportation de ce produit haut de gamme. Chercher le sel dans la terre est une activité à risque. Prélever le sel est un acte noble. «Quand il sort de chez nous, le sel revoit la lumière pour la première fois après 200 millions d’années», lance le responsable de la production d’or blanc des salines de Bex.
Depuis le Moyen-Age, les Suisses achètent du sel à l’Allemagne et à la France pour la salaison. Les fromages du Pays d’En-Haut, de la Gruyère, de l’Emmental et des Alpes sont acheminés vers le lac Léman et Genève, puis descendent vers Marseille. À la Renaissance, on retrouve ces fromages sur des navires tout autour du monde. Dès le XVIIe siècle, un monopole est institué dans les cantons suisses et dans tous les États européens. L’impôt sur le sel – la gabelle – pèse durement sur la population. «C’est pour lutter contre ces abus de l’Ancien Régime que les États ont décidé de contrôler son commerce», explique Dominique Zumkeller, historien économiste à Genève. À Bex, les sources d’eau salée auraient été repérées par des chèvres. Ces eaux faiblement salées sont mentionnées une première fois en 1554. En 1685, Berne – qui est alors une puissance internationale – rachète toutes les concessions de la région afin d’assurer son propre approvisionnement. Bex est le premier gisement découvert en Suisse. Il sera donc exploité coûte que coûte. Dans la deuxième partie du XIXe siècle, les techniques industrielles vont rendre la Suisse autonome pour son ravitaillement. Aujourd’hui, les notions de rentabilité et de pérennité de la production continuent de motiver les responsables des Salines de Bex. Signe de cette volonté, la création d’une nouvelle station hydroélectrique sur l’Avançon, «qui permettra à l’usine de produire du sel entièrement vert», se réjouit Arnaud Tamborini. La force de l’eau produira toute l’énergie nécessaire au traitement de la saumure par évaporation, qui nécessite beaucoup de chaleur. Le monopole du sel a encore du temps devant lui.
(SH)
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It was a pleasant surprise for me to find the December 2023 Swiss Revue story on Switzerland's salt industry.
As it turns out, I was born at the farm house - still existing - at Le Bevieux (Revue map insert) which was built on the hill just overlooking the Bex salt mine (l'usine de sel). Our family of seven lived there from 1934 through 1950. Among others we raised turkeys which my enterprising mother would advertise and sell "farci, larde, pret a mettre au four" (stuffed, larded, oven-ready) across the canton for Christmas, using the Post which was extremely fast and reliable. However these birds had a tendency to escape and would fly away, landing on the Usine roof - which proved to be a challenge at the approach of the holidays.
Very interesting to learn that you were born in Le Bévieux sur Bex! To find out more about the history of mines and saltworks in the canton of Vaud, visit the Association Cum Grano Salis website at www.cumgranosalis.ch.