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  • Série littéraire

Catherine Colomb | Un flot de mots et d’images d’une splendeur enchanteresse

12.05.2023 – Charles Linsmayer

À propos des romans de l’autrice romande Catherine Colomb (1892–1965)

Lorsque le jury du prix littéraire de la Guilde du Livre de Lausanne, composé de Charles-Ferdinand Ramuz, Gustave Roud, Edmond Jaloux et Paul Budry, reçoit en 1944 le roman d’une certaine Catherine Charrière, intitulé «Les Chemins de mémoire», Paul Budry reconnaît aussitôt, dans le tapuscrit, la plume de Catherine Tissot, lauréate du concours de la revue «Patrie Suisse» en 1932 avec «Trop de mémoire». Ce premier livre racontait l’histoire de deux femmes qui, tout en s’avouant que «[d]écidément, il n’y a pas de place dans le monde pour ceux qui ont de la mémoire», se replongent dans leur enfance de manière très imaginative. Il avait été publié en 1934 par les éditions Attinger à Neuchâtel sous un titre passe-partout: «Pile ou Face».

 

Catherine Colomb (1892–1965)

Distingué par le jury de la Guilde, «Les Chemins de mémoire» est lui aussi débaptisé – pour éviter une éventuelle confusion avec un autre ouvrage en lice – quand la Guilde du Livre le publie en 1945. Il reçoit le titre «Châteaux en enfance», en référence aux petits châteaux d’eau genevois autours desquels l’autrice (et ses personnages!) a passé son enfance: entre-temps, l’écrivaine a évidemment révélé sa véritable identité.

Poétesse en Angleterre

Son vrai nom est Marie-Louise Reymond, elle est mariée à un avocat lausannois et mère de deux enfants. Catherine Colomb est son nom de jeune fille, sous lequel elle est née le 18 août 1892 à Saint-Prex. Elle a achevé ses études de lettres en 1916 à Lausanne, puis est partie effectuer un doctorat en Angleterre, où elle s’est intéressée à la nostalgie de la vieille noblesse, a découvert Virginia Woolf et commencé à écrire en secret en 1921, après son mariage et l’abandon de son doctorat.

«Au printemps, Chanoz quittait l’asile de vieillards, achetait une pacotille et debout dans les cours pavées, entre les fuchsias, devant les enfants immobiles dans leurs châles vaudois croisés, étalait à leurs yeux fascinés des aiguilles à tête d’or, du savon dans du papier vert pâle et des lacets, des lacets innombrables, de quoi étrangler tous les muets du harem de Louis Laroche.»
Extrait de «Châteaux en enfance», dans «Tout Catherine Colomb», éditions ZOE, Genève 2019

Marie-Louise Reymond devra attendre 1953 et la parution de son troisième ouvrage – un récit lui aussi déstructuré et accompagné d’images fortes, dans lequel elle regrette une enfance qu’elle ne retrouvera qu’au jour de sa mort –, à nouveau sous le pseudonyme de Catherine Colomb, pour voir le titre qu’elle a imaginé, «Les Esprits de la terre», imprimé sur la couverture par les éditions Rencontre.

«Le Temps des anges»: le chef-d’œuvre

Il s’écoule encore neuf longues années avant que Catherine Colomb parvienne définitivement à s’imposer dans le paysage littéraire avec «Le Temps des anges», publié chez Gallimard à Paris presqu’exactement trois ans avant sa mort, qui intervient le 13 novembre 1965, à l’âge de 73 ans. «Les anges, le bruit régulier de leurs ailes puissantes, Joseph les entendait dès son réveil», ainsi commence «Le Temps des anges». Le bruit des vagues du lac Léman enveloppe le lecteur jusqu’à la dernière page et le plonge un récit tissé de haine, de trahison et d’envie de meurtre sur une douce mélodie assourdie.

Ce roman n’est du reste pas le seul de Catherine Colomb à produire cette impression: quiconque entre dans le jeu mémoriel fascinant auquel invite l’autrice, dans une étonnante parenté avec des auteurs comme Gerhard Meier ou Gertrud Leutenegger, ne parvient plus à se détacher, malgré la noirceur et l’amertume des motifs et du fond, de ce flot d’images et de mots associés sans peine et libres de toute linéarité.

charles linsmayer est spécialiste en littérature et journaliste à zurich

Bibliographie: les œuvres complètes de l’écrivaine sont disponibles aux éditions Zoé, à Genève, sous le titre «Tout Catherine Colomb».

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Commentaires :

  • user
    Irene Jansen, Puerto Rico 15.05.2023 à 16:01

    Sollte das Wort nicht ‘bezückender” sein?

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