Série littéraire
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Dans son roman «Der Amerika-Johann», le Bâlois Felix Moeschlin dénonce, en prenant l’exemple d’un village suédois, les dangers d’une modernisation trop rapide.
«Je suis jour et nuit au cœur de la nature. Cela ne fait que quinze jours et j’ai l’impression d’habiter dans cette forêt depuis des années. N’ai-je pas en fait toujours vécu ici?» Felix Moeschlin, qui avait écrit ces lignes en 1908 dans la NZZ, était tombé amoureux de la Suède où il a vécu de 1908 à 1914. C’est dans ce pays que ce Bâlois né en 1882 a rencontré l’artiste peintre Elsa Hamar devenue la mère de ses trois enfants. C’est là aussi qu’il a choisi de situer son troisième roman «Der Amerika-Johann», paru après «Die Königschmieds», roman pastoral qui se déroule dans son Leimental natal et «Hermann Hitz», roman sur la vie d’un artiste.
L’intrigue se déroule dans le village rural d’Äppelvik derrière lequel se cache Leksand sur le lac Siljan, où Felix Moeschlin a construit une maison de ses propres mains. C’est là qu’Amerika-Johann rentre après de longues années, pour aider les villageois à entrer dans l’ère moderne grâce à une scierie, à une épicerie et à de nouvelles stratégies de financement. Tout se passe bien jusqu’à ce que la conjoncture qui s’était rapidement améliorée s’effondre. Les paysans doivent alors vendre leurs fermes pour une bouchée de pain à un charlatan qui veut créer une sorte de musée en plein air où les traditions ancestrales deviendront un folklore lucratif pour des touristes aisés du monde entier. Ce n’est que lorsqu’ils apprennent que le nouveau propriétaire veut revendre toutes leurs fermes à un millionnaire douteux que les paysans sortent de leur léthargie. Ils battent alors à mort cet étrange prophète sans autre forme de procès et tirent les conséquences de leur meurtre: les vieux vont en prison et les jeunes reconstruisent la communauté corrompue en gardant à l’esprit les leçons de leur expérience et l’importance d’un renouveau modéré.
Si Felix Moeschlin n’était pas un fin connaisseur de la Suède et de sa culture, on aurait pu remplacer Äppelvik par Zermatt ou Grindelwald. L’auteur de «Der Amerika-Johann», accueilli avec bienveillance en Suisse en 1912, est une recrue de choix lorsqu’il devient directeur de cure à Arosa en 1915. Mais aussi plus tard, lorsqu’il sera chroniqueur à la «Basler Nationalzeitung», rédacteur au journal «Zürcher Tat» et conseiller national. Il a à cœur de préserver de bonnes conditions de vie pour les paysans mais aussi de les aider à s’adapter aux nouvelles évolutions.
En 1934, il souhaite ainsi lutter contre le chômage en Suisse en établissant une grande coopérative paysanne au Brésil. En 1949, il montre dans son ouvrage en deux volumes «Wir durchbohren den Gotthard» comment le projet risqué du premier tunnel du Gothard, qui a fait beaucoup de victimes, s’est finalement révélé être une bénédiction pour le pays. Le fait que Felix Moeschlin, président de la Société des écrivains suisses de 1924 à 1942 et mort à Bâle en 1969, ait largement contribué à frapper d’une interdiction de travail ou à expulser de nombreux écrivains ayant fui Hitler durant la Seconde Guerre mondiale, fait partie du côté obscur de cet auteur.
Dans «Der Amerika-Johann», son roman le plus célèbre, il a su en revanche associer la confrontation entre l’ancien et le nouveau temps, qui a aussi fortement marqué la Suisse, à un hommage vibrant à la Suède.
«Autrefois, ce que les paysans possédaient avait été non pas choisi ni voulu, mais hérité. Ils étaient paysans parce que leurs parents avaient été paysans. C’est pourquoi toute leur existence a pu basculer si facilement. Nous avons choisi notre vie, elle n’est pas régie par le devoir et les habitudes, mais par l’attirance et le plaisir ainsi que par une volonté heureuse.»
Extrait de: Felix Moeschlin: «Der Amerika-Johann». Roman. Ex Libris-Verlag 1981 (épuisé).
Bibliographie: la dernière parution en 1981 de «Der Amerika-Johann», avec une postface d’Egon Wilhelm, dans la série Ex Libris «Frühling der Gegenwart» est disponible dans les librairies d’occasion.
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