Série littéraire
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Du temps où les voyages en Afrique étaient encore de véritables expéditions réservées aux hommes, Isabelle Eberhardt, née à Genève, arpentait le désert à dos de cheval, affublée de vêtements d’homme et produisait des écrits d’une rare intensité.
Le désert, la mer, mais surtout le monde de l’islam ont fasciné Isabelle Eberhardt, née à Genève le 17 février 1877. L’identité de son père reste incertaine: s’agissait-il du prêtre russe orthodoxe Alexander Trofimowski, anarchiste d’origine arménienne, voire du poète Arthur Rimbaud? Celle de sa mère en revanche ne fait aucun doute. Il s’agit de Nathalie Eberhardt, d’origine germano-balte, qui a bénéficié d’une éducation privée prodiguée par Trofimowski. En 1897, foulant pour la première fois le sol africain, elle débarque en Algérie dans la ville de Bône. Elle a alors 20 ans.
Mère et fille embrassent immédiatement la religion musulmane. La même année, alors que Nathalie Eberhardt décède d’une insuffisance cardiaque, Isabelle commence à parcourir le désert sur un étalon arabe, déguisée en homme, sous le nom de Si Mahmoud et partage le quotidien des bédouins, qu’elle décrit dans son œuvre intitulée «Journaliers» («Tagwerken»). Elle ne reviendra qu’une seule fois en Suisse, pour soutenir Trofimowski, qui souffrait d’un cancer, durant les derniers mois de sa vie. En 1900, de retour en Algérie pour enquêter sur la disparition du Marquis de Morès, elle effectue à nouveau de longues randonnées à cheval dans le désert et tombe amoureuse du bel indigène Slimène Ehni, qu’elle épouse en octobre 1901 à Marseille.
Peu avant, début 1901, elle échappe en Algérie à une tentative d’assassinat perpétrée par un fanatique religieux qui tente de lui fendre le crâne à l’aide d’un sabre. L’homme est condamné, mais la victime est qualifiée de «fauteur de trouble d’origine étrangère». Une année plus tard, elle rentre avec son époux Slimène, travaille comme reporter de guerre et acquiert un certaine renommée avec la publication de ses précédents reportages en France. Isabelle Erberhardt ne mène cependant pas une vie heureuse. Alcoolique sévère et dépressive, elle projette de se suicider avec Slimène. Elle n’en aura pas le temps: elle meurt à 27 ans dans un oued en crue, suite à des violents orages dans l’hôpital militaire d’Aïn Sefra, où elle avait trouvé refuge après avoir contracté la malaria.
Par miracle, les manuscrits et journaux qu’elle conservait n’ont été que légèrement endommagés et ont pu être ajoutés aux autres textes publiés en 1905/06 et 1922 en français, et depuis 1981 également en allemand, et qui lui ont valu de devenir un auteur culte pour d’innombrables lecteurs. Un écrivain pour qui l’expérience du désert, la rencontre avec l’islam, l’expérience de la solitude et de l’abandon, mais aussi la quête de son identité sexuelle à l’écart de toute convention sociale s’étaient finalement muées en une odyssée fatale.
«Quel plaisir de rencontrer une personne qui est tout à fait elle-même, au-delà de tout préjugé, de toute hypocrisie et de tout cliché, une personne libre comme l’oiseau dans les airs», déclarera devant sa tombe le général français Lyautey, qui l’avait engagée comme espionne.
«En ces jours de peur, de doute et de tristesse, je remarque tout particulièrement combien je suis attachée à ce pays et combien, toute ma vie durant, où que je demeure à l’avenir, je le rechercherai avec amertume, ce pays du sable et du soleil, des jardins en profondeur et du vent qui fait rouler les nuages de sable sur les dunes.»
éditions März, Berlin, 1982, p. 137
Bibliographie: Ses œuvres complètes («Sämtliche Werke») sont disponibles en allemand aux éditions Rororo-Taschenbuch; «Briefe, Tagebuchblätter, Prosa» ont paru aux éditions Lenos, Bâle. Alex Capus propose un portrait d’Isabelle Eberhardt dans son ouvrage «Himmelsstürmer», Knaus, Munich 2008, et Alexandra Lavizzari a décrit ses derniers mois dans «Nach Kenadsa», aux éditions Friedmann, Munich 2005.
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