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Luzius Mader* était chargé de la part du gouvernement fédéral du dossier «Mesures de coercition à des fins d’assistance et de placement extrafamilial». Voici son constat à demi-parcours, somme toute positif.
«Revue Suisse»: Jusqu’en 1980, l’État a infligé des souffrances à de nombreux enfants. Êtes-vous satisfait de ce qui a été réalisé en matière de réparation?
Luzius Mader: Oui, je suis globalement satisfait, d’autant plus que par rapport aux approches précédentes, nous avons su lancer le processus politique d’un travail de mémoire indispensable. Ce processus politique est achevé tandis que le travail sur les aspects scientifiques et humains se poursuit.
Vous étiez confronté au problème de devoir trouver des solutions politiquement applicables. Est-ce que ce volet politique pourra répondre aux attentes des victimes?
Dans la mesure où nous voulions obtenir des résultats concrets, nous devions, dans un premier temps, tenir compte du cadre politique. Un échec de plus aurait été fatal.
Vous vous êtes réunis autour d’une table avec les victimes. C’était une expérience douloureuse?
Dans un premier temps, nous devions créer une confiance réciproque. Il fallait dépasser le stade de confrontation «auteurs-victimes». C’était à moi de leur faire comprendre que les personnes réunies autour de la table n’étaient ni l’un ni l’autre, qu’elles étaient seulement désireuses de contribuer au travail de mémoire.
Pour beaucoup parmi elles, la perspective restait donc inchangée: En tant que victimes, elles devaient soumettre leur demande à l’instance incriminée, à savoir l’État.
Il n’y avait pas d’autre solution. C’était à l’État de nommer une institution prête à prendre en charge la lourde tâche. C’est tout à fait justifié: l’État doit assumer le rôle qu’il a joué, qu’il y a eu injustice et que de ce fait, il endossera sa responsabilité. Cette prise de position est au cœur même du problème.
Au maximum 20 000 personnes auraient pu faire valoir le statut de victimes, 9000 demandes ont été déposées.
Un chiffre qui correspond tout à fait à nos attentes, d’autant plus qu’il démontre que les obstacles psychologiques pour déposer une requête ont pu être surmontés par les victimes.
Les victimes reconnues comme telles bénéficient de CHF 25 000. Est-ce qu’un tel montant est suffisant pour remédier à une vie semée d’injustices?
Je ne pense pas, j’évite toujours de parler d’indemnisation ou de réparation. Le montant est seulement une preuve de solidarité. Un geste nécessaire car une attestation du statut de victime couchée sur papier ne pourra suffire. Vu les courriers de remerciements, nombreuses sont les victimes qui l’ont compris ainsi.
Le montant ne suffira pas à faire changer la situation financière d’une personne qui, suite aux souffrances subies, bénéficie aujourd’hui d’aides sociales.
Tout à fait. Ce ne sont pas CHF 25 000 qui changeront fondamentalement une vie, d’autant plus que nombreux sont les ayants droit qui ont atteint un âge avancé. Mais le montant est exonéré d’impôt et n’engendre pas de réduction des prestations complémentaires. Dans ce contexte, ce n’est pas à l’État de donner d’une main pour mieux reprendre de l’autre.
Les mesures mises à ce jour en œuvre ont été prises au niveau national. Mais ce sont les communes et cantons qui ont pris à l’époque les décisions qui ont fait souffrir tant de personnes. Ils s’en lavent les mains?
Non, les communes et cantons ont fait un travail remarquable lorsqu’il s’agissait de faire des recherches dans leurs archives et de créer des guichets d’accueil. Les communes comme Berne et Köniz ont entre autres versé des montants conséquents à une aide d’urgence. À l’heure actuelle, huit cantons ont financièrement contribué au budget de solidarité. Le fait qu’ils contribuent est plus important que le montant versé.
Fin mai, vous avez pris votre retraite en abandonnant votre poste de directeur suppléant de l’Office fédéral de la justice. Pour vous, le thème est donc clos?
Je continuerai à m’occuper du sujet et diriger la commission consultative qui étudie les contributions de solidarité et à représenter les intérêts de la Confédération quant au travail de mémoire scientifique.
* Luzius Mader était directeur suppléant de l’Office fédéral de la justice et dirigeait la table ronde en faveur des victimes des mesures de coercition à des fins d’assistance et de placement extrafamilial.
Image: Luzius Mader: «Seul le volet politique du travail de mémoire est achevé». Photo Keystone
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