Série littéraire
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Le roman utopique de Jakob Vetsch, «Die Sonnenstadt», paru en 1923, préfigurait ce qu’on réclame urgemment aujourd’hui.
En 1923, à Zurich, paraît un livre intitulé «Die Sonnenstadt. Ein Roman aus der Zukunft für die Gegenwart» [La cité du soleil. Un roman du futur pour le présent, non traduit]. L’auteur est un certain «Mundus», qui, à la fin de la préface, révèle être «J. Vetsch, docteur en droit et en philosophie», «pour donner un point de ralliement provisoire aux individus partageant les mêmes idées». Né en 1879 à Nesslau (SG), Jakob Vetsch a étudié les lettres allemandes et la jurisprudence avant de devenir, en 1916, le secrétaire de la Société suisse des brasseurs. En 1918, il a épousé la fille d’un grand actionnaire de brasserie.
Et comme il le formule avec sarcasme, il aurait été promis à «un beau et honorable destin dans un cercle familial heureux, doré par des mandats d’administrateur bien rémunérés», s’il ne s’était pas privé de tout cela avec son roman. Les enseignants, politiciens et pasteurs à qui Vetsch fait cadeau de son livre tombent en tout cas des nues devant la rage impuissante avec laquelle l’administrateur d’une association d’entrepreneurs vilipende l’économie capitaliste. Mais ils ne pouvaient pas savoir que Jakob Vetsch avait été poussé par son futur beau-père, moyennant un million de francs de «dédommagement», à épouser sa fille souffrant d’une maladie héréditaire et à élever avec elle un enfant lui aussi handicapé...
«Alors des hommes se levèrent, le cœur serré par la misère du monde. Et ils identifièrent le principal obstacle à la fraternité mondiale et le nommèrent par son nom: l’argent et le capitalisme. Et ils le proclamèrent sans détour (…). Ils se levèrent dans toutes les parties de la Terre, et l’unité du monde et des hommes s’imposa à eux. C’est ainsi qu’ils se nommèrent les ‘mundistes’, et leur but était l’avènement d’un État mondial et d’une administration planétaire.»
Le «mundisme» de Jakob Vetsch est une utopie planétaire placée sous le signe de l’urbanisme. Le roman se déroule en 2100, et la Terre est divisée en cinq «pays» – l’Europe, l’Asie, l’Amérique, l’Afrique et l’Australie – et en 25 000 villes. Chaque «pays» est gouverné par 20 sages et un souverain, tandis que le gouvernement mondial est constitué par 50 députés des «pays». L’histoire se déroule dans la «cité du soleil», Zurich, dont le mode de vie est exemplifié par une histoire d’amour. L’argent a été aboli, chacun ayant accès à ce dont il a besoin. Tous les citoyens sont «étudiants» pendant plusieurs dizaines d’années, mais compensent ce privilège en effectuant des travaux temporaires qui ne peuvent être imposés à quiconque pour toute une vie. La sexualité est libérée de la contrainte du mariage, qui peut être dissous après cinq ans, et le contrôle des naissances et la contraception sont organisés par l’État. Chacun travaille 25 heures par semaine et consacre le reste de son temps à sa formation artistique. Partout sur la planète, la protection de la nature est prioritaire, l’étalement urbain proscrit, et les immenses quantités d’électricité requises sont produites par des centrales hydroélectriques, solaires, éoliennes et marémotrices. La société est émancipée, de sorte que «l’épanouissement de la personnalité» est garanti, y compris pour les femmes, qu’elles soient mères ou non.
«Die Sonnenstadt» est une sorte d’évangile, mais le «mundisme» ne trouve aucun disciple. Les 40 000 exemplaires envoyés déclenchent une campagne de presse haineuse, et en 1924 Jakob Vetsch doit déposer le bilan. Alors que la famille de sa femme projette de le faire interner pour troubles mentaux, il renie son credo et s’installe au Liechtenstein, puis en 1934 à Oberägeri, où il devient maire et meurt en 1942 sans plus jamais avoir publié une ligne. «Un peuple sans originaux est comme une soupe sans sel»: c’est ainsi que Walter Robert Corti, fondateur du village d’enfants Pestalozzi de Trogen, commente le destin de Jakob Vetsch. «Ils souffrent plus que les gens normaux, mais leurs visions nous apprennent toujours quelque chose.»
BIBLIOGRAPHIE: «Die Sonnenstadt» est paru pour la première fois en 1982 aux éditions Ex Libris, «Frühling der Gegenwart». On en trouve encore quelques exemplaires chez les bouquinistes.
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