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En février, le Gouvernement genevois a créé la surprise en annonçant un plan ouvrant la voie à la régularisation de milliers de sans-papiers. Cette politique, validée par Berne, donne déjà des idées à d’autres cantons.
Le 21 février, le conseiller d’État genevois PLR Pierre Maudet, flanqué d’une haute-fonctionnaire du Secrétariat d’État aux migrations (SEM), annonçait aux médias un plan surprise. Son nom? Papyrus. Mené au nom de la lutte contre le travail au noir, il devrait permettre la régularisation de milliers de sans-papiers actifs dans l’économie locale. Leur nombre est estimé à 18 000 dans le canton et à 76 000 dans tout le pays, avec un record pour Zurich, qui en accueillerait 28 000.
Testé deux années dans le plus grand secret, ce programme a fait l’objet de négociations entre Pierre Maudet et la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, responsable des questions de migrations. Pendant cette phase, Papyrus a ouvert la porte de la régularisation à 590 personnes. Elles ont accédé à un permis B délivré pour cause humanitaire, renouvelable chaque année.
Au sein des sans-papiers vivant à Genève – canton qui compterait 30 000 employés de maison – la nouvelle a fait l’effet d’une bombe. Le 26 février, une séance d’information organisée par les organisations d’entraide a réuni près de 2000 personnes. Les antennes de ce collectif ont ouvert des permanences d’information, six par semaine, pour accompagner les postulants dans le dépôt de leurs dossiers. Plus de 1600 personnes ont accouru en deux semaines, selon le Collectif de soutien aux sans-papiers.
«Une partie des dossiers ne répond pas aux exigences, notamment en raison d’une durée insuffisante du séjour, ou alors en cas de dettes», relève Alain Bolle, directeur du Centre social protestant (CSP). Environ 30 % des demandes répondraient aux critères.
Les requérants doivent prouver qu’ils subsistent à leurs moyens, qu’ils ne touchent pas d’aide sociale, et qu’ils résident en Suisse depuis dix ans, ou cinq ans s’ils ont des enfants. Une personne seule qui payerait 1500 francs pour son assurance maladie et son appartement devrait gagner au moins 2500 francs, indique le CSP.
Les demandes de régularisation impliqueront que les travailleurs désignent leurs employeurs. L’État et les syndicats veilleront à ce que ces personnes morales ou physiques règlent leur situation et n’engagent plus d’employés au noir. Ce point répond à un des objectifs des autorités, qui est d’assainir le marché du travail dans le secteur de l’économie domestique, qui est le plus grand employeur de sans-papiers. En cas de licenciement pour cause de demande de régularisation, les employeurs seront dénoncés, assurent les syndicats. Il s’avère qu’en Suisse latine, un sans-papiers sur deux disposerait d’un numéro AVS contre seulement un sur cinq en Suisse alémanique et quasiment aucun dans les cantons touristiques, relève une étude mandatée par le SEM.
«L’idée du permis pour des raisons humanitaires répond à une situation de précarité insoutenable», défend Rémy Kammermann, juriste au CSP. Il évoque des personnes, des femmes notamment, vivant sans aucune protection sociale, et subissant la loi de marchands de sommeil qui louent des matelas à 400 francs par mois ou, pire, qui abusent sexuellement de personnes qui vivent dans la crainte d’une expulsion. «Ces arguments ont rencontré un souci de l’État, qui est de ne pas laisser se développer une zone de non-droit, potentiellement criminogène.»
Ancienne conseillère d’État libérale, Martine Brunschwig Graf était présente lors de l’annonce de Papyrus. En 2005, c’est elle qui avait porté l’idée d’un système de régularisation basé comme aujourd’hui sur le système des cas de rigueur, prévus par la Loi sur les étrangers. À l’époque, c’est Christoph Blocher qui présidait le Département de justice est police. Il n’avait pas donné suite. «Il fallait un partenaire auprès de la Confédération. Cette fois, c’était Simonetta Sommaruga», résume la présidente de la Commission fédérale contre le racisme. Et de rappeler que c’est bien le SEM qui octroie, ou non, les permis B, et non pas les cantons. «La différence est qu’avec Papyrus, Genève se dote d’une base plus large dans l’accord des critères d’acceptation.»
L’opération genevoise n’est pas passée inaperçue en Suisse, mais Martine Brunschwig Graf n’en tire aucune prédiction. «Tous les cantons ne sont pas prêts pour mettre en place un tel système. Il faut une organisation adéquate. Le signal fédéral ne suffit pas», résume l’ancienne présidente du Conseil d’État. À Genève, Alain Bolle se dit sûr que «Papyrus aura des suites». De son côté, Rémy Kammermann décrit une Suisse alémanique rétive aux régularisations. Celles-ci seraient considérées comme «une prime contre la loi», malgré leur légalité. «L’an passé, Zurich a régularisé seulement deux sans-papiers et bon nombre de cantons alémaniques aucun», relève le juriste. Le Département de la sécurité zurichois a refusé de commenter l’estimation de 28 000 sans-papiers. Il renvoie pour expliquer sa politique à la directive cantonale prévue pour les cas de rigueur.
Validé par le SEM, Papyrus crée-t-il de facto un nouveau droit au niveau national? Mystère, répond le juriste genevois, qui attend beaucoup de l’analyse des résultats de cette expérience-test dans deux ans. «Si le bilan est positif, il sera alors plus dur de revenir en arrière.»
Le fait est qu’en Suisse, les milliers de sans-papiers, originaires d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie, répondent à une demande de travail. «Si on voulait absolument se débarrasser de ces gens, il suffirait de poster des policiers le matin à la gare et d’embarquer les personnes qui prennent le bus pour aller travailler dans des communes de la campagne genevoise en tant que femmes de ménage, nounous, hommes à tout faire», image Alain Bolle. De fait, la droite bourgeoise ne s’est pas opposée à ce processus. Quant au conseiller d’État PLR Pierre Maudet, il s’est «créé avec Papyrus un nom au niveau national, même sur un thème potentiellement dangereux», conclut une personne proche de ce politicien.
Papyrus a provoqué une seule opposition, celle de l’UDC genevoise, pour qui ce plan «émet un message désastreux». Les conseillers nationaux UDC Yves Nidegger et Céline Amaudruz ont déposé deux motions au Conseil national. La première vise à préciser, et donc à réduire les exceptions pour les cas de rigueur. La seconde demande à ce que Papyrus soit stoppé le temps que celles-ci soient définies. Ces motions sont-elles susceptibles de remettre en question l’expérience genevoise? «Il n’y a aucune chance que cela arrive, car cela impliquerait de modifier la loi elle-même», estime Alain Bolle. Et de se féliciter de la capacité de Papyrus à être restée «clandestine, sans quoi elle aurait risqué d’être torpillée par l’UDC.»
À Bâle, fin mars, l’extrême gauche a interpellé le gouvernement pour qu’il définisse des critères de régularisation de façon plus objective. «Nous avons obtenu en 2017 un assouplissement de ces critères afin qu’ils puissent aussi être appliqués à des célibataires, et non plus seulement à des personnes malades ou des familles», explique Fabrice Mangold, du Bureau bâlois pour les sans-papiers. Le collectif se réjouit de la décision genevoise, «qui montre que le SEM peut donner la main aux cantons qui souhaitent se doter d’une procédure transparente.» Ce canton régularise entre six et sept sans-papiers. Il en compterait 4000.
Dans le canton du Jura, qui ne compterait «que quelques douzaines de sans-papiers ou au maximum quelques centaines», selon un député socialiste, une motion a été déposée au Grand Conseil par la gauche, demandant au gouvernement de s’inspirer de Papyrus. Dans le canton de Vaud, SolidaritéS a demandé au Conseil d’État de s’adresser au SEM pour discuter du sujet des régularisations. Cette proposition a été refusée à 71 voix contre et 60 pour.
Image Des centaines de personnes sans-papiers assistent à la séance d’information sur l’Opération Papyrus organisée par les syndicats et les associations du Collectif sans-papiers en février. Photo Keystone
Commentaires
Commentaires :
Tolle Idee, hoffentlich wird dies auch in den anderen Kantonen bald umgesetzt!
Les conditions pour obtenir ce permis sont bien établies et la durée d'une année permet à chaque cas d'être suivi et réévalué.
Ouvrez vos esprits, vos coeurs et votre vie n'en sera que meilleure.
Bravo, l'esclavage n'a pas sa place dans une société moderne!
The whole western world should adopt this
They will also pay taxes!!'????????????????????g
Ces personnes ont l'obligation de chercher 10 offres d'emploi par mois.
En GRANDE PARTIE sans réponse de la part des entreprises malgré la loi.
A quand un programme à l'intention des jeunes de notre pays en difficulté??