Politique
Politique
Politique
Politique
En profondeur
Politique
Politique
Politique
Meilleures conditions de travail, autonomie et reconnaissance accrues: les soins infirmiers seront renforcés en Suisse. L’initiative de l’association des infirmières et infirmiers a obtenu une victoire historique dans les urnes. Mais la mise en œuvre risque d’être un vrai casse-tête.
«Les applaudissements ne suffisent pas.» C’est avec ce slogan que le personnel infirmier s’est battu pour de meilleures conditions de travail ces derniers mois. Une majorité de Suisses partagent ce point de vue. Près de 61 % d’entre eux ont dit oui à l’initiative «Pour des soins infirmiers forts» le 28 novembre 2021 (cf. aussi «Revue Suisse» 5/2021). Les Suisses de l’étranger l’ont aussi clairement acceptée avec 58,3 % des voix.
Ce résultat est remarquable à plusieurs égards. C’est la première fois qu’une initiative populaire issue de cercles syndicaux aboutit sur le plan fédéral. En outre, il ne s’agit que de la 24e initiative populaire ayant été acceptée dans l’histoire de l’État fédéral. Elle a recueilli un nombre exceptionnel de suffrages et a largement mobilisé l’opinion. La participation, qui a atteint 65,3 %, est la quatrième plus forte enregistrée depuis 1971, lors de l’acceptation du droit de vote des femmes. Cette mobilisation importante a également à voir avec la loi COVID-19, qui figurait au scrutin le même jour et qui a donné lieu à de vifs débats.
Tôt déjà, les sondages ont montré que la population était très sensible aux revendications de la branche infirmière. Cependant, on ne savait pas si l’initiative parviendrait à obtenir l’approbation de la majorité des cantons. Cet obstacle, qui est souvent fatal aux initiatives populaires, a finalement été surmonté très confortablement par l’initiative sur les soins infirmiers: tous les cantons l’ont approuvée, à l’exception d’Appenzell Rhodes-Intérieures.
Il est communément admis que des réformes sont nécessaires dans le secteur des soins. De plus en plus souvent, les infirmières et infirmiers travaillent à la limite de leurs forces. Beaucoup quittent le métier avant l’heure, souvent jeunes encore. Les responsables des ressources humaines disent avoir du mal à recruter du personnel qualifié. En même temps, la société vieillissante aura besoin de davantage de soignants à l’avenir. Sans réformes musclées, on pourrait manquer de près de 65 000 infirmières et infirmiers d’ici 2030, avertissent les experts.
L’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI) a présenté sa nouvelle solution dès 2017. Le coronavirus n’est pas pour rien dans le succès retentissant de celle-ci. Les nombreux reportages des médias dans les hôpitaux et les établissements médico-sociaux ont montré aux Suisses le travail fourni 24 h/24 par le personnel infirmier. Beaucoup d’entre eux ont pris conscience qu’eux-mêmes ou leurs proches pourraient soudain avoir besoin d’aide. Dans les semaines qui ont précédé le scrutin, la situation pandémique s’est une fois de plus aggravée. Le nombre de cas a connu une augmentation fulgurante et le nouveau variant Omicron a beaucoup fait parler de lui. En outre, presque au même moment que la votation, de plus en plus d’hôpitaux annonçaient que leurs services de soins intensifs devraient sans doute bientôt effectuer un tri des patients, c’est-à-dire prendre la dure décision de déterminer quelles vies ils pourraient encore tenter ou non de sauver.
«Nous attendons à présent des politiques qu’ils prennent nos revendications au sérieux et les mettent rapidement en œuvre.»
Directrice de l’ASI
«C’est précisément en temps de crise que le personnel infirmier montre ce qu’il accompli et à quel point son travail est important», a déclaré le ministre de la santé Alain Berset le dimanche de la votation, voyant dans l’acceptation nette de l’initiative un signe de reconnaissance et de remerciement. Les infirmières et infirmiers ont laissé éclater leur joie. Yvonne Ribi, directrice de l’ASI (voir p. 31, rubrique «Sélection»), est heureuse de voir la population solidaire. Les décisions prises permettront de répondre à l’urgence dans les soins infirmiers: «Nous attendons à présent des politiques qu’ils prennent nos revendications au sérieux et les mettent rapidement en œuvre.»
À présent, ce serait au Conseil fédéral de faire une proposition pour concrétiser l’initiative. Mais pour arriver plus rapidement à un résultat, le comité d’initiative propose une autre voie: lancer aussi vite que possible la campagne de formation déjà décidée par le Parlement, et qui ne soulève pas d’opposition, et ne laisser au Conseil fédéral que la tâche de clarifier les points restants. Pour les vainqueurs de la votation, il est également inutile de rediscuter des nouvelles règles déjà fixées par le Parlement dans le contre-projet à l’initiative, selon lesquelles les infirmières et infirmiers pourraient désormais prescrire et facturer des prestations eux-mêmes: il s’agit de les appliquer rapidement. Le Parti socialiste a déposé une intervention dans ce sens. Le Centre n’exclut pas de soutenir le projet. La conseillère nationale Ruth Humbel (AG) a néanmoins déclaré à la chaîne de radio SRF que cette voie prendrait aussi du temps. «Si l’adoption de ces premières mesures incontestées se passe bien, elles pourraient entrer en vigueur dans deux ou trois ans.» Dans le camp bourgeois, des critiques se font entendre. Le conseiller national PLR Matthias Jauslin (AG) souligne que le Parlement a accepté des compromis pour inciter les initiants à retirer leur projet, et que ces résolutions sont à présent remises en question. «Le processus législatif recommence.» D’après le texte de l’initiative, les deux Chambres fédérales ont quatre ans pour cela.
En cas de procédure à deux voies, il resterait au Conseil fédéral le soin de concrétiser les autres exigences en 18 mois, en particulier d’indiquer le moyen d’augmenter la satisfaction des infirmières et infirmiers et de les retenir plus longtemps dans le métier. Il devra par exemple se pencher sur les salaires, les allocations pour le travail de nuit et le dimanche et la dotation en personnel, c’est-à-dire la fixation du nombre de soignants par patient. Dans ces domaines, trouver des solutions susceptibles d’obtenir l’aval de la majorité pourrait être ardu. «Nous ne relâcherons pas la pression», annonce Yvonne Ribi. Le comité ne permettra pas que l’initiative soit diluée dans le débat politique. De leur côté, les opposants promettent de garder un oeil sur les coûts. Des coûts qui ne doivent pas augmenter, comme le camp du oui l’a assuré lors de la campagne de votation.
Quand et comment l’initiative populaire déploiera-t-elle ses effets? Cela ne dépend toutefois pas que de la Confédération, qui a seulement le pouvoir de fixer le cap. La mise en œuvre relève des cantons et, partiellement, des communes. Cette structure fédérale fait qu’il est plus difficile d’engager des réformes rapidement et de façon homogène. Plusieurs années pourraient encore s’écouler avant que le personnel infirmier voie sa situation s’améliorer.
Deuxième oui à la politique pandémique
Pour la deuxième fois déjà, les Suisses ont soutenu la politique liée au coronavirus du Conseil fédéral et du Parlement. Avec 62 % des voix, ils ont approuvé la loi COVID-19, qui réglemente, entre autres, le certificat obligatoire et les aides économiques. La «Cinquième Suisse» a même dit oui à 68,5 % des voix. Après une campagne de votation parfois haineuse, les observateurs ont parlé d’un vote de confiance vis-à-vis de la gestion de la pandémie par les autorités. Le résultat s’est avéré plus clair qu’en juin, lors de la première votation sur la loi, où la part des oui avait atteint 60,2 %. La Suisse est le seul pays au monde où le peuple peut se prononcer sur les mesures de lutte contre la pandémie. Le scrutin sur la loi COVID-19 a été précédé de nombreuses protestations, parfois violentes, de la part des détracteurs de ces mesures.
Pas de tirage au sort pour l’élection des juges
L’initiative sur la justice, qui prévoyait de désigner à l’avenir les membres du Tribunal fédéral par tirage au sort, a été balayée par 68,1 % des votants et par l’ensemble des cantons. 65,3 % des Suisses de l’étranger ont également dit non. L’influence des partis politiques restera ainsi inchangée. Les juges doivent impérativement être membres d’un parti en Suisse et lui verser une contribution financière annuelle. (ERU)
Commentaires