Nature et environnement
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Connectées à un même réseau, les batteries de voiture peuvent constituer des centrales électriques. Cette évolution fera la synthèse entre le solaire photovoltaïque et la voiture électrique. La société suisse d’autopartage Mobility a conduit un test grandeur nature.
Les Suisses aiment leurs automobiles, mais dans les faits, les quelque 4,8 millions de voitures de tourisme que compte le pays passent l’essentiel de leur temps à l’arrêt. Elles stationnent jusqu’à 23 heures par jour, leur batterie séparée du monde. Demain, les autos – désormais électriques – seront connectées entre elles via des réseaux électriques intelligents. Elles formeront des centrales de stockage, un peu comme l’eau retenue dans les barrages.
«Avec la recharge bidirectionnelle [où chaque voiture peut envoyer et recevoir de l’énergie: ndlr], la Suisse dispose d’un gigantesque lac de rétention», résume Volker Fröse, un consultant cité par le spécialiste de l’autopartage Mobility. Le soir, au moment du repas, quand la demande d’électricité explose, des opérateurs ordonneront aux batteries réunies de délivrer du courant sur le réseau. Le jour, des panneaux solaires injecteront de l’électricité dans ces piles mobiles que sont les voitures. L’ensemble du système mettra en œuvre le principe du «Vehicle to Grid» (V2G) : un maillage de batteries bidirectionnelles capable de recevoir, stocker et délivrer de l’électricité dans un réseau local ou global.
«Une batterie de voiture emmagasine en moyenne 60 kilowatts heure (kWh), contre seulement 6 kWh pour une batterie fixe dans une maison [dotée de panneaux solaires: ndlr]. Beaucoup de gens disposent de panneaux solaires, mais pas de batterie. D’où l’intérêt de la voiture comme pile électrique», explique l’ingénieur valaisan Arnaud Zufferey, diplômé de l’EPFL. En effet, avec une borne de 7 kW, il suffit d’une heure pour recharger 10 % d’une batterie. «Cela laisse beaucoup de flexibilité pour refaire le plein, par exemple à midi, lorsque la production solaire est au maximum, ou la nuit, quand les tarifs sont bas», dit-il. Alors, quand la Suisse, championne de l’automobile et du solaire photovoltaïque, verra-t-elle advenir cette révolution? La société Mobility a effectué un test grandeur nature entre l’automne 2022 et le printemps 2024. Le prestataire en autopartage a intégré à sa flotte cinquante voitures électriques munies d’une batterie bidirectionnelle. Le test a mis en jeu des voitures dispersées dans toute la Suisse – qui doivent être disponibles à tout moment –, reliées à différents fournisseurs d’électricité, détaille Mobility.
Mises ensemble, les voitures électriques peuvent former une espèce de réservoir d’énergie, comparable à l’eau stockée dans les lacs de barrage avant qu’elle soit utilisée pour produire de l’électricité.
Durant cet essai d’une année et demie, quelque 7 000 personnes ont parcouru environ 800 000 kilomètres. A l’arrêt, les voitures ont «vendu» du courant sur le réseau, générant jusqu’à 2 000 francs de revenus par an et par véhicule, selon Mobility, qui admet cependant qu’une exploitation de ce système V2G pour une entreprise de «car sharing» n’est pas encore rentable en l’état. «L’ère des voitures électriques bidirectionnelles est imminente, mais il faudra attendre encore quelques années pour voir cette technologie se généraliser», indique l’entreprise. «Le bidirectionnel n’est pas un argument de vente, car le système n’est pas encore prêt», confirme Arnaud Zufferey. De fait, il n’existe pratiquement pas de véhicules électriques bidirectionnels aujourd’hui en Suisse, souligne l’Association Transports et Environnement. Ainsi, notre ingénieur valaisan roule-t-il bien au solaire, mais son équipement n’est pas intelligent. Par exemple, la batterie de sa voiture ne peut restituer de l’énergie dans le réseau au moment où la demande est la plus forte – et où le prix de rachat du courant serait le plus élevé.
Les pièces du puzzle sont toutes en place, mais il manque des opérateurs et des systèmes pour relier ces éléments disparates. «Supposons que j’ai actuellement une voiture X, une borne de recharge Y et un producteur d’énergie Z», pose Arnaud Zufferey. Ce marché en devenir aiguise les appétits des grands constructeurs. VW, par exemple, travaille sur un système comprenant solaire, borne et voiture. Tesla propose déjà un écosystème à ses clients.
Chaque marque visera à fédérer des milliers de voitures électriques pour créer des usines virtuelles. L’opérateur pilotera des bornes à distance et équilibrera le réseau électrique. Internet reliera les batteries au système, distribuant l’énergie en fonction des besoins locaux. L’hiver, une station touristique comme Crans-Montana exigera un surplus d’électricité, alors que les zones desservies par des éoliennes ou une station hydroélectrique n’auront pas besoin de cet apport. Dans un même immeuble, un surplus de demande électrique pourra être couvert par les voitures garées et raccordées au système. Tandis que celles-ci se rechargeront intégralement la nuit à partir du réseau, à un tarif avantageux.
La nouvelle loi fédérale sur l’électricité, votée en juin 2024, prévoit déjà des aménagements qui faciliteront le V2G. Parmi les nouveautés: un règlement évitera aux clients de payer deux fois des transferts d’énergie vers et à partir de leur voiture. La transformation des voitures en centrales virtuelles nécessitera aussi une adaptation du système de traçage de l’énergie. «Dans un réseau, les opérateurs et les clients veulent savoir si l’électricité provient d’une centrale nucléaire, du solaire ou de l’éolien», explique l’ingénieur valaisan. «Nous sommes dans le peloton de tête de l’innovation en Europe», assure Fabien Lüthi, porte-parole au Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication. Qui précise que la Confédération travaille en étroite collaboration avec l’Union européenne pour aboutir à des normes compatibles. En fait, la progression des voitures-piles aura lieu par étapes. Dans un premier temps, la gestion du courant entre des panneaux photovoltaïques et une batterie devra être dynamique, ce qui permettra de stocker l’électricité plutôt que de déverser les électrons sur des réseaux déjà surchargés ou de puiser de l’énergie dans la voiture au moment de mettre une pizza au four. Dans un second temps, le V2G devra être capable de gérer une offre et une demande au niveau d’un quartier, d’une ville, d’un canton. Tout ce système reposera en partie sur l’électricité produite par le solaire photovoltaïque, dont la croissance en Suisse est exponentielle.
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