Série littéraire
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Orlando Spreng plante le décor de son roman «Il reduce», publié en 1941, dans les rizières et les champs de céréales qui s’étendent à perte de vue dans la plaine du Pô.
En 1936, Rico, un jeune soldat rentre à Sesto Cremonese, son village d’origine niché sur la plaine du Pô, après avoir combattu dans les rangs de Mussolini en Abyssinie. Son teint hâlé est aux antipodes de son état d’esprit: l’horreur dont ce fils de paysan s’est rendu complice l’a profondément meurtri et éloigné de son ancienne vie. Il cherche du réconfort auprès de Daria, la femme du «Bédouin», mais ce dernier les frappe brutalement avant de quitter le village à jamais. Rico ne supporte plus de vivre au village. Lorsqu’il retourne en Afrique, il peut compter sur le soutien de la jeune Nera, qui lui est restée fidèle tout ce temps.
La narration, portée par des descriptions saisissantes – terres paysannes crémonaises, rizières inondées, routes interminables sillonnant des champs à perte de vue, canaux rectilignes et champs de maïs immenses et impénétrables – confère un charme particulier à l’intrigue.
C’est sur les touches d’une machine à écrire militaire, au QG du général suisse Henri Guisan près de Berne, qu’est né «Il reduce» («L’ancien combattant», «Der Heimgekehrte»), le roman antiguerre le plus paisible et fantasque de la littérature suisse. Son auteur Orlando Spreng était un employé de la Poste né le 30 octobre 1908 à Sesto Cremonese, le village de son roman, d’un père fromager bernois ayant émigré en Italie. La famille s’est installée en Suisse en 1914. Orlando a été employé à la Poste puis a fini par obtenir un emploi au Kornhaus (grenier à blé) à Berne. En 1939, son roman «Le recluta Senzapace» («La recrue Senzapace», «Der Rekrut Senzapace») fait fureur. Un peu à la manière du Brave Soldat Chvéïk, il y brosse le portrait d’une recrue tessinoise naïve et un peu gauche du nom de Senzapace, connue pour être le mariole de service dans son bataillon et qui finit par amuser toute la Suisse. Mais Spreng se surpasse dans «Il reduce», œuvre où il laisse transparaître sa nostalgie du pays qui l’a vu naître et qui aurait eu l’étoffe pour se hisser au rang des chefs-d’œuvre du Néoréalisme italien. Mais sous Mussolini, cette chance était réservée au mieux au très classique Francesco Chiesa. Spreng, quant à lui, pouvait s’estimer heureux que son livre dénué de tout rapport avec la Suisse puisse intégrer «Terra nostra», la collection de Guido Calgari dédiée aux ouvrages patriotiques, et trouver grâce aux yeux de la guilde du livre Gutenberg après avoir été traduit en allemand par Jakob Bührer.
Les frontières à nouveau ouvertes, ce Suisse nostalgique de l’Italie tombe dans l’oubli, et son dernier livre, le roman tessinois «Il Lago», où il règle ses comptes avec les «colonialistes» suisses alémaniques, disparaît de la circulation avant de reparaître dans la même collection «Terra nostra» en 1952. Orlanda Spreng meurt deux ans plus tôt, le 27 janvier 1950, à l’Ospedale italiano de Viganello à l’âge de 41 ans, suite à une hémorragie cérébrale qu’il avait vue venir depuis des années et qu’il avait également relatée dans «Il Lago».
«Dis-moi, poursuivit l’ancien, pourquoi cette guerre? Pourquoi toutes les guerres? Pourquoi tuer alors que chaque homme a, d’un côté comme de l’autre, une mère, une femme, une famille? Un petit morceau de terre ne vaut pas une goutte de sang humain!»
Verlag Huber, Frauenfeld 1988, S. 204
BIBLIOGRAPHIE: la traduction allemande de cet ouvrage, «Der Heimgekehrte», réalisée par Jakob Bührer et préfacée par Charles Linsmayer, est disponible dans le volume 2 de l’édition «Reprinted by Huber».
Dans sa nouvelle série littéraire, Charles Linsmayer présente des auteur(e)s suisses proposant dans leur œuvre un portrait de pays et de villes étrangers. Exil, nostalgie du pays quitté ou fascination exotique – la série revient notamment sur les témoignages de Hamo Morgenthaler sur l’Indonésie, sur le New York vu par Daniel de Roulet ou sur l’idylle estivale de Corinna Bille au Pradet près de Toulon.
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