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Une idée controversée de l’Office fédéral des routes prévoit d’autoriser uniquement les véhicules totalement autonomes sur certains tronçons autoroutiers à l’horizon 2040.
À la fin du XIXe siècle, l’arrivée des premières voitures sur les routes suisses n’a pas suscité l’enthousiasme général. On craignait alors que ce nouveau moyen de transport mette en danger non seulement les piétons, mais aussi l’activité traditionnelle de transport par fiacre. Opposant le plus farouche, le canton des Grisons décrète alors purement et simplement en 1900 l’interdiction générale de conduire des automobiles. Cette décision ne sera suspendue qu’en 1925, après dix votations populaires.
Avec les voitures autonomes, le monde fait face aujourd’hui à une nouvelle évolution technologique qui va modifier en profondeur le système de circulation. Afin que la population et la législation ne soient pas prises au dépourvu comme autrefois, l’Office fédéral des routes (OFROU) prépare déjà le terrain. L’avancée de ses réflexions sur le sujet est exposée dans l’«Orientation stratégique» à l’horizon 2040, qui vient d’être mise à jour. On peut y lire que «sur certains tronçons et à certains moments, seuls les véhicules complètement automatisés sont admis à circuler, tandis que d’autres sont ouverts aux véhicules avec ou sans volant.»
Mais qu’imagine exactement l’Office fédéral? Les conducteurs préférant leur bonne vieille voiture devront-ils d’ici une vingtaine d’années emprunter les routes cantonales pour aller de Zurich à Berne? L’OFROU souligne qu’il s’agit d’une réflexion et non d’un projet concret. Il n’existe pas encore de projet de loi interdisant la circulation des voitures non autonomes sur certaines portions de route. «Nous nous concentrons actuellement sur l’octroi de permis spéciaux pour véhicules autonomes», déclare Thomas Rohrbach, porte-parole de l’OFROU, qui cite aussi des projets comme le bus sans chauffeur «Olli» à Zoug ou la navette autonome CarPostal à Sion.
Il y a deux ans déjà, la ministre des Transports Doris Leuthard suggérait dans le «Schweiz am Sonntag» d’ouvrir des pistes d’essai pour des trajets autonomes. Jürg Röthlisberger, directeur de l’OFROU, laissait à son tour entrevoir il y a peu que ces pistes d’essai pourraient voir le jour d’ici deux à trois ans et que leur exploitation régulière serait envisageable d’ici huit ans. Si les délais sont si longs, c’est à cause de certaines questions juridiques, en particulier la responsabilité civile en cas d’accident. Une motion du conseiller national Thierry Burkart (PLR/AG), qui exige une plus grande flexibilité législative en raison des évolutions technologiques, a été transmise en juin au second conseil.
Mais les portions de route «à usage exclusif», telles qu’elles sont esquissées dans la vision 2040 de l’OFROU, vont encore un peu plus loin. L’Office fédéral espère qu’il s’agira de routes à grand débit avec voies séparées pour chaque sens de trafic et sans interruption de circulation ni croisements, soit des routes nationales avec un minimum d’accès. «L’A1 entre Estavayer et Yverdon serait envisageable ou l’A9 en Valais. Et pourquoi pas un long tunnel routier comme le Gothard?», interroge Thierry Rohrbach.
Les personnes qui voudront alors conduire sur ces routes avec leur ancienne voiture à boîte manuelle seront reléguées sur le réseau secondaire. L’OFROU fait toutefois remarquer qu’en 2040, une grande partie du parc de véhicules devrait être suffisamment autonome et que personne ne sera contraint de renoncer aux voies rapides. En effet, plusieurs personnes pourront partager une voiture autonome en échange d’une taxe adéquate. Selon Thierry Rohrbach, plus personne ne devra posséder sa propre voiture, car la voiture sera partagée.
Les intentions de l’Office fédéral des routes sont loin de faire l’unanimité. Pour François Launaz, président d’auto-suisse, c’est avant tout une lubie de fonctionnaires. Il explique qu’il ne serait pas normal de discriminer certains usagers de la route. En outre, la manière dont serait contrôlé ce système à «deux vitesses» n’est pas claire. Manfred Wellauer de l’Union professionnelle suisse de l’automobile (UPSA) juge pour sa part le calendrier trop optimiste: «Étant donné que les véhicules ont en moyenne entre huit et dix ans, cela signifierait qu’à partir de 2030 les véhicules vendus seraient principalement des voitures autonomes, je ne pense pas que ce soit réaliste.»
Pour l’UPSA, les véhicules autonomes sont à la fois une malédiction et une bénédiction: si les mécatroniciens devront assurer la maintenance d’un nombre croissant de composants électroniques, les carrossiers voient leur existence menacée, car un jour il n’y aura quasi plus d’accident.
Image Des voitures autonomes sur les routes suisses: vision chimérique ou modèle d’avenir? (Sur la photo: une voiture autonome de Google.) Photo Keystone
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