Série littéraire
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Le «pauvre poète» Hamo Morgenthaler a vécu ses plus belles années dans la forêt vierge du sud-est asiatique et ne s’en est jamais défait, pour le meilleur et pour le pire.
«Une banale sphère nichée au centre de la Suisse avec pour décor des champs de pommes de terre», voilà comment Hans (dit «Hamo») Morgenthaler décrivait la région de Berthoud, où il est né le 4 juin 1890. Très jeune, il fut confronté à la disparition de sa mère et frappé par le malheur. Il étudia la botanique, la zoologie et la géologie, mais était mû depuis toujours par un désir irrépressible de vivre dans «la beauté et le danger». Comme le montre «Ihr Berge», sa première œuvre littéraire, parue en 1916, il laissa d’abord libre cours à son désir de montagne, avec une témérité telle qu’en 1911, presque tous ses doigts se retrouvèrent gelés lors de son ascension du Tödi.
En 1920, il aurait jeté son matériel d’alpinisme dans une crevasse pour protester contre le tourisme de masse. Avant sa passion pour la montagne, Hamo Morgenthaler fut attiré par une autre aventure: la jungle asiatique. Lors de son séjour dans la forêt vierge malaisienne, de 1917 à 1920, alors qu’il travaillait pour une entreprise afin d’y chercher de l’étain et de l’or, il vécut des «heures paradisiaques», dans une nouvelle «patrie», bercé par la «douce mélodie nocturne de la forêt», aux côtés de «beautés féminines brunes». Ce périple lui fut toutefois fatal: tandis qu’il aurait souffert jusqu’à la fin de ses jours d’une syphilis jamais diagnostiquée, il contracta aussi la malaria, maladie avec laquelle il rentra en Suisse, avant d’être atteint de la tuberculose, dont il mourut en 1928, à 38 ans.
Il avait auparavant évoqué deux fois sa fascination pour l’Asie dans ses écrits. En 1920, dans le livre aux accents euphoriques et sensuels «Matahari. Stimmungsbilder aus den malaysisch-siamesischen Tropen», salué par Hermann Hesse et Emmy Hennings, puis dans «Gadscha Puti. Ein Minenabenteuer», œuvre critico-sceptique qui dépeint la jungle comme un enfer, et dont Orell Füssli refusa la publication au plus grand regret de l’auteur, à court d’argent. Le livre ne parut qu’en 1929, après sa mort, aux éditions Francke. Autre livre publié à titre posthume: «In der Stadt. Die Beichte des Karl von Allmen», texte sombre et angoissant qui présente la ville comme un lieu de débauche, un abîme où se perd l’être humain en proie à ses pulsions, et où Karl von Allmen, promeneur solitaire nocturne, est absorbé par la ville dans ce qu’elle a de plus «dément».
Après son retour d’Asie, Hamo Morgenthaler n’eut plus aucune demeure et ne retrouva jamais la quiétude. Souffrant de la tuberculose, il vécut à Arosa et à Davos, puis à Ascona où, miraculeusement, il donna vie à un roman empreint de légèreté intitulé «Woly, Sommer im Süden», dans l’établissement de soins bernois de Waldau (par jalousie, il faillit tuer quelqu’un), dans une clinique psychiatrique de Mendrisio et, en 1927, à Berne, où la dentiste Marguerite Schmid prit soin de lui et le ramena à une relative sérénité. Après l’expressionnisme de ses romans sur l’Asie et l’humour de «Woly», il y eut pour finir ses poèmes lapidaires au parfum tragico-absurde, dont le dernier et le plus bouleversant est le suivant: «Lieber Gott, /schlag mich tot. / Nimm von mir dies wüste Leben. / Dann werd ich Dir ein Müntschi geben.»
«Il me semble aujourd’hui qu’au moment de dire adieu à ces montagnes recouvertes par la neige d’automne, mon départ n’était pas une séparation, ni une trahison; je ne partais pas, je rentrais chez moi, dans la mère patrie, dans un monde certes complètement nouveau, mais un monde ancien et parfaitement authentique».
tiré de «Matahari. Stimmungsbilder aus dem malayisch-siamesischen Dschungel», Zurich 1920, épuisé.
Bibliographie: Sont disponibles: «Dichtermisere. Ein Hans-Morgenthaler-Brevier», publié par Georges Ammann dans Orte, ainsi que «Hamo, der letzte fromme Europäer» et «Der kuriose Dichter Hans Morgenthaler», des échanges épistolaires avec Ernst Morgenthaler et Hermann Hesse. Ces deux ouvrages sont publiés par Roger Perret, aux éditions Lenos.
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