Sebastian Bohren | Le violoniste qui fait briller une petite ville d’Argovie

Aux inquiets qui lui demandent combien de festivals classiques l’Argovie peut supporter, l’homme répond sur un ton hardi, décontracté et sec: «Les meilleurs survivront. La concurrence stimule le secteur et tire la qualité vers le haut.» Il admire les concerts Seetal Classics, que le violoncelliste de l’orchestre de la Tonhalle de Zurich Benjamin Nyffenegger a ressuscités au prix d’un immense travail, sans pour autant les redouter. «Numa Bischof, administrateur de l’orchestre symphonique de Lucerne, a dit un jour que la disparition de certains festivals avait aussi du bon, car cela en faisait apparaître de nouveaux. Tout ne doit pas être éternel.»

Sebastian Bohren ne craint aucun «rival». Son festival commence chaque année début septembre, précisément au moment où tout le pays afflue au festival de Lucerne. Pourtant, Sebastian Bohren n’est pas fou, il se dit plutôt «audacieux»: «Un engagement extrême, jusqu’à la pointe des orteils, et un flair entrepreneurial m’animent, qui me donnent de l’énergie.» Et le fait que la saison des concerts et de l’opéra ne débute réellement que début octobre ne l’inquiète pas. «L’expérience des autres festivals et du secteur des concerts en général ne m’intéresse que moyennement: à Brugg, nous travaillons depuis des années pour que le public s’identifie le plus possible à nos concerts et aux musiciens. L’effet collatéral est que nos auditeurs réguliers viennent désormais de tout le canton et de plus loin. Je crois qu’un auditoire substantiel ne peut croître qu’à très long terme et que la régularité, l’instauration d’une tradition, joue un rôle fondamental.»

La date convient. Point. Elle empêche tout au plus le violoniste, sa femme et leur fils de deux ans et demi de passer des vacances d’été détendues.

Sebastian Bohren ne craint pas non plus de mettre le doigt sur une lacune argovienne: une salle de concert moderne. Sans parler de dysfonctionnement, il pense qu’il serait réaliste et possible de construire une salle de concert classique dotée d’une acoustique exceptionnelle et d’une infrastructure adéquate à Brugg. C’est du Sebastian Bohren tout craché, qui ne se contente pas d’aller chercher des subventions. «L’engagement du secteur public et des investisseurs privés doit être équilibré et les tâches, bien réparties», déclare-t-il.

Sebastian Bohren est persuadé que les grands projets ne se réalisent pas tout seuls, mais qu’ils dépendent exclusivement de la force de persuasion et de la persévérance de quelques-uns: «Il faut être prêt à faire face à de puissantes oppositions pendant des années.» Le violoniste marque un temps d’hésitation, mais très vite ses yeux se mettent à briller et il ajoute: «Nous devons imaginer à quoi ressemblera le canton d’Argovie dans 50 ans. Pour moi, il y a un énorme potentiel.»

À Brugg, on a compris ce qu’il y avait à gagner avec cet artiste. Le 1er août, Sebastian Bohren a même prononcé le discours de la fête nationale. Aussi n’est-on pas surpris du fait qu’il veuille continuer de faire briller sa petite ville, et consolider sa position sur la carte culturelle du pays. Autrement dit, l’entreprenant Sebastian Bohren continuera d’essayer de faire bouger les choses avec la plus grande efficacité possible. Mais il a aussi besoin de l’argent du canton. Et à cette idée, une marque d’inquiétude se dessine sur le front du violoniste.

Sebastian Bohren a démontré qu’il est capable de faire bouger les gens. Et son but est de faire un jour du festival de Brugg l’un des plus importants de Suisse. Ces notes-là, on ne les entend pas souvent dans la bouche des Suisses, mais elles font du bien à la culture locale et nationale.

En 2025, le festival de Brugg aura lieu début septembre. Le programme paraîtra ultérieurement. www.strettaconcerts.com

www.sebastianbohren.ch