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Coronavirus
La pandémie de coronavirus met à l’épreuve le système suisse des partis. Un nouveau mouvement au positionnement politique peu clair est né, les «Amis de la Constitution», qui a soudain le pouvoir d’imposer des référendums. Ce qui donne du grain à moudre en particulier à l’UDC.
Il arrive régulièrement que les sonneries des cloches deviennent de petits événements politiques en Suisse. Les cloches des églises ou des vaches, par exemple, quand elles troublent la paix des citoyens. Depuis quelques mois, cependant, des cloches portées par des manifestants suscitent un émoi sans précédent dans le paysage public suisse. Un groupe s’est en effet emparé de cet objet bruyant faisant d’ordinaire partie du folklore apolitique des festivités du carnaval pour faire part de sa grogne.
Vêtus de t-shirts ou de pulls blancs, les «Freiheitstrychler» – littéralement les «sonneurs de cloches de la liberté» –, issus de Suisse centrale, accompagnent les manifestations qui se tiennent régulièrement contre les restrictions que l’État a mises en place pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. Ils fournissent pour ainsi dire la bande-son de l’opposition croissante contre la politique du gouvernement suisse en matière de coronavirus, une opposition qui est parvenue à mobiliser plusieurs dizaines de milliers de manifestants à Berne à la mi-octobre.
Le tintement ancestral de ces placides sonneurs de cloches minimise la dynamique politique qui se déploie autour d’eux. Les «Amis de la Constitution», un groupement critique à l’égard des mesures anti-Covid, est si vite parvenu à rassembler plus de 10 000 membres que la «Neue Zürcher Zeitung» le décrit comme «la nouvelle force de frappe de la démocratie directe». L’organisation, qui n’est liée à aucun parti politique, en a apporté la preuve l’été dernier quand elle a rassemblé 190 000 signatures pour un référendum en trois semaines seulement, obligeant ainsi le peuple à se prononcer une nouvelle fois sur le durcissement de la législation nationale sur le Covid-19.
Lorsque nous mettons ce numéro sous presse, trois semaines avant la votation sur la loi Covid-19, les instituts de sondage partent du principe que la majorité de la population soutiendra les mesures du Conseil fédéral, bien que la Suisse présente toujours l’un des taux de vaccination les plus bas d’Europe occidentale (env. 60 %).
Mais, même en cas de défaite dans les urnes, les «Amis de la Constitution», qui sont d’abord montés en puissance dans les cercles de droite et qui considèrent qu’un État fouineur et liberticide est en train de voir le jour sous le couvert de la crise du coronavirus, rebattent les cartes de la politique partisane. Notamment parce que leur positionnement rallie aussi des gens de gauche, qui voient dans les mesures anti-Covid une atteinte aux droits individuels fondamentaux.
Le géographe politique Michael Hermann, dont l’institut de recherche Sotomo a réalisé plusieurs sondages auprès de la population sur la crise du coronavirus, note que les «Amis de la Constitution» rassemblent un large spectre d’individus se situant à droite ou même à gauche de l’UDC. Le succès de ce mouvement imprévisible a néanmoins forcé le parti national de droite à réagir rapidement: des représentants de l’UDC comme le conseiller fédéral Ueli Maurer, ou des leaders d’opinion comme Christoph Blocher, ont arboré le t-shirt blanc des «Freiheitstrychler» devant les médias, révélant sans le dire leur proximité avec ces opposants.
Il arrive ainsi ce que le chercheur Michael Hermann pronostique depuis longtemps déjà: la controverse sur les mesures anti-Covid repolitise d’un coup les conservateurs critiques à l’égard de l’État, ce qui donne un coup de fouet inespéré à l’UDC, qui faiblissait depuis les élections de 2019. Le baromètre électoral de mi-législature réalisé par l’institut Sotomo à l’automne 2021 révèle une tendance au redressement de l’UDC. Le parti devance largement le PS, et les élections nationales de 2023 pourraient se muer en pugilat entre le PLR, Le Centre et les Verts pour la troisième place dans la hiérarchie politique suisse. À moins que le coronavirus ne fasse grimper, une fois encore, la dose de stress des partis politiques.
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