Lu pour vous
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Selon la sagesse populaire, nul n’est prophète en son pays. Alexandre Yersin (1863-1943) en est l’illustration parfaite. Né à Morges dans le canton de Vaud, il a passé la plus grande partie de sa vie à Paris, puis en Asie du Sud-Est. Dans son roman «Peste et Choléra», l’écrivain français Patrick Deville fait revivre cet esprit universel avec le mérite qui lui revient.
Alexandre Yersin fut pionnier dans plusieurs domaines. Le bacille de la peste ou «Yersinia pestis» porte son nom aujourd’hui encore. Lancé dans une compétition avec d’autres chercheurs, il a découvert ce bacille à Hong Kong en 1894, plutôt par hasard, mandaté par la France et l’Institut Pasteur. Mais lui-même n’en a retiré aucun profit ou presque. Alors que ses collègues de l’Institut se voient peu à peu décerner des prix Nobel, lui change d’emblée de cap. Il quitte Paris pour s’installer au Vietnam, alors français. Il trouve un coin de paradis dans le village de pêcheurs de Nha Trang, où il donne libre cours à sa curiosité encyclopédique. Au milieu de cette jungle, le bactériologue construit un petit univers. Alexander Yersin se révèle aussi arpenteur, géographe, météorologue, agriculteur, ingénieur, inventeur et architecte. Impatient et vite gagné par l’ennui, il reste toujours à l’affût des nouveautés. Au nombre des fervents pionniers de l’automobile, il est le premier à traverser Hanoï en voiture. Il s’enrichit avec la production de caoutchouc et de quinine.
Patrick Deville raconte cette soif d’invention dans son roman qui a reçu le Prix Femina en 2012. Il s’apparente à son héros en ce qu’il avance progressivement vers son but en témoignant une précision méticuleuse et une grande clarté. Le roman s’intéresse aux dernières années de la vie d’Alexandre Yersin. En 1940, peu avant l’invasion des Nazis, il séjourne une dernière fois à Paris avant de quitter définitivement l’Europe. Il a de nouveaux projets à Nha Trang: apprendre le grec et le latin. Comme un «esprit venu du futur», Patrick Deville accompagne son héros dans les étapes de sa vie et rappelle ses principaux accomplissements. Il dévoile ainsi la microhistoire précisément gigantesque à l’échelle d’un homme, qui s’intéressa à tout sauf à la politique et qui, malgré son esprit de pionnier colonial, se montra toujours respectueux envers les indigènes, sans jamais manifester la moindre arrogance liée à son statut d’explorateur. Selon Patrick Deville, «l’agnostique Yersin est béni des dieux».
«Peste et Choléra» est riche en anecdotes surprenantes sur cet esprit vif, que l’on a oublié faute de pouvoir le classer correctement dans une catégorie scientifique. Ce roman plonge le lecteur dans l’univers des bactéries, mais aussi des explorateurs. Alexandre Yersin en est le guide, Patrick Deville son accompagnateur et discret conducteur.
Patrick Deville: Peste et Choléra. Roman. Éditions du Seuil, Paris 2012.
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