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Le multilinguisme fait partie de l’identité de la Suisse. Au Musée national de Zurich, l’exposition «La Suisse, pays de langues» jette un regard culturel et historique sur le développement des quatre régions linguistiques du pays et permet de s’immerger dans leurs univers sonores à l’aide de dispositifs acoustiques.
Allemand, français, italien, romanche ou anglais: les visiteurs choisissent dès le début la langue de l’audioguide qui les accompagnera à travers l’exposition. Les voix dans les écouteurs invitent tout d’abord à se plonger dans le décor sonore d’une gare virtuelle. Au fur et à mesure des déplacements dans le hall d’entrée, on entend des bribes de phrases et de conversations dans différentes langues et dialectes.
L’exposition du Musée national suisse illustre, à l’aide d’objets et de documents sonores, comment les régions linguistiques se sont développées au cours des siècles. En Suisse romande, les patois régionaux ont été largement supplantés par le français à la fin du XVIIe siècle. L’influence de la politique linguistique centralisée de la France s’est donc fait sentir au-delà de ses frontières: un livre de grammaire genevois de 1790 témoigne de la manière dont on a éliminé de la langue française les expressions et les termes locaux. De l’autre côté de la Sarine aussi, la Réforme et l’imprimerie ont favorisé la diffusion d’une langue écrite normée. La stigmatisation des dialectes y a cependant été moins forte. Au XIXe siècle, on a même assisté à une revalorisation des dialectes alémaniques, et le premier dictionnaire dialectal a vu le jour en Suisse alémanique en 1881.
Dans la Suisse italienne du XVe siècle, les notaires tessinois ont commencé à rédiger leurs textes non plus en latin, mais dans une langue mixte issue d’un dialecte lombard local. L’italien toscan de Dante s’est finalement imposé dans la langue écrite et administrative, avant de conquérir aussi la langue parlée à travers les écoles. Le romanche, dont le bassin de locuteurs s’étendait autrefois jusqu’au lac de Constance, a été très tôt refoulé par la langue allemande. Dans les vallées grisonnes, la population utilise aujourd’hui encore cinq idiomes différents. Dans les années 1980, une langue écrite unifiée a été conçue, le rumantsch grischun, qui sert de langue officielle à toute la population romanchophone depuis 2001.
Les commissaires de l’exposition rappellent que d’autres langues ont également une histoire ancienne en Suisse. Parmi elles, le yéniche, que l’exposition propose de déchiffrer sur un panneau de bois. Un drap brodé de lettres hébraïques témoigne quant à lui du fait que jusqu’au siècle dernier, un dialecte yiddish occidental était parlé dans les communes de la vallée de la Surb, en Argovie.
«La Suisse, pays de langues» présente par ailleurs la diversité linguistique de la société actuelle, au-delà des quatre langues nationales officielles. Plus de 20 % de la population indique avoir pour première langue une langue non nationale. Et deux tiers des habitants de la Suisse maîtrisent plus d’une langue.
L’exposition donne la parole à neuf personnes qui ont un rapport particulier avec le multilinguisme, notamment l’écrivain irakien Usama Al Shahmani: «Écrire en allemand est pour moi une façon d’exprimer que je suis arrivé à destination.» Tous les portraits vidéo peuvent être consultés sur le site web de l’exposition, avec des sous-titres en cinq langues.
La Suisse, pays de langues.
Musée national suisse, Zurich.
Jusqu’au 14 janvier 2024.
landesmuseum.ch/pays-de-langues
Dans le cadre de l’exposition «La Suisse, pays de langues» au Musée national suisse, il est également possible de s’immerger dans l’univers sonore d’idiomes suisses rares ou disparus. Trois exemples:
Gisèle Pannatier, d’Evolène, raconte la pratique du patois dans sa famille (2001, Médiathèque Valais, Martigny): revue.link/gisele
Pamphlet en patois: sonorisation du pamphlet de Jacques Gruet de 1547, lu par Oliver Frutiger (2023). revue.link/jacques
Vüna par ün: Don Franceso Alberti parle le dialecte tessinois de Bedigliora (1939, Archives des phonogrammes de l’Université de Zurich): revue.link/francesco
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