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Hazel Brugger a transformé profondément le stand-up dans notre pays. Aujourd’hui, elle est en passe de devenir une star en Allemagne. Un road-trip.
«Quelle histoire!»Hazel Brugger susurre dans son dictaphone. Voilà quinze minutes qu’elle a atterri à Bâle-Mulhouse. En provenance de Munich. Là-bas, elle a interviewé pour la «heute-show» le ministre des Finances bavarois de la CSU, Markus Söder. Autrement dit, un homme politique allemand de premier rang pour l’émission de télé nocturne la plus appréciée du paysage télévisuel européen. Elle doit maintenant se rendre rapidement à Soleure où elle est attendue sur scène. Sur l’autoroute, peu après Bâle, un petit véhicule s’avance sans mettre son clignotant sur la voie de gauche. Hazel est assise sur le siège passager et rapporte sèchement les faits sur son dictaphone: «Une Volkswagen Polo vient de nous griller la priorité sur l’autoroute.» En dehors de l’autoroute, personne ne grille pour l’instant la priorité à Hazel Brugger. Elle se trouve en permanence sur la voie de dépassement. Quelque part entre la grande télévision allemande et la petite scène suisse.
Deux jours auparavant, Hazel a envoyé un courriel. Un entretien, oui, c’est cela dont il s’agissait. D’accord, mais est-ce que quelqu’un pourrait la chercher à Bâle-Mulhouse? Une interview en voiture, ce serait certes «méga compliqué», mais «génial». À présent, Hazel est assise dans la voiture. Dans sa main gauche, elle tient le dictaphone pour enregistrer l’entretien, dans la droite son téléphone portable qui lui sert de GPS. Ce qui arrive en ce moment dans sa carrière est difficile à expliquer. «J’ai uniquement conscience du stress des dates.»»
Hazel Brugger, 23 ans, fille d’un neuropsychologue, qui a grandi dans la commune de Dielsdorf, dans le canton de Zurich, est en train de devenir une star de l’humour en Allemagne. Pour rappel: Emil fut le dernier humoriste à succès en Allemagne. Autrement dit, Hazel Brugger remplit un grand vide.
Depuis la voie de dépassement, on prend la bretelle de sortie à Augst en direction de l’A1. Changement de voie. Hazel en fait le constat sur son dictaphone: «Contrôle visuel par-dessus l’épaule, exemplaire!»
Le rythme dans la carrière de Hazel Brugger s’est accéléré de façon exponentielle. Elle monte sur scène depuis l’âge de 17 ans. Cela fait des années qu’elle est la chouchoute des cabarets. En 2015; ses chroniques lui ont valu d’être reconnue comme l’un des espoirs montants du journalisme. En 2016, elle a été nommée chroniqueuse de l’année. Venant confirmer ces succès, l’année dernière elle a également remporté le taureau de Salzbourg, l’oscar du cabaret germanophone. Et depuis novembre dernier, depuis qu’elle est en tournée en Suisse alémanique avec son programme de stand-up «Hazel Brugger passiert», sa renommée s’est propagée bien au-delà du public amateur de cabarets et tout le monde reconnaît qu’elle est une humoriste d’exception.
En un temps record, Brugger a révolutionné le stand-up en Suisse. Avant son arrivée, la scène était essentiellement occupée par de beaux jeunes hommes qui faisaient des blagues cool. De l’humour Colgate à la Fabian Unteregger ou à la Michael Elsener. Le concept de Hazel est radicalement différent. Elle s’explique: «Pour moi, le stand-up ne fonctionne que si des gens pas cools sur scène ne sont pas cools.» C’est le principe qui consiste à baisser son pantalon. Selon le credo américain du genre: une sincérité douloureuse, impitoyable, autodestructrice.
En Suisse, Hazel Brugger est ainsi unique en son genre. Mais c’est également le cas en Allemagne, déclare l’homme le plus influent dans le monde la télévision humoristique allemande. Stephan Denzer dirige le secteur humour et cabaret sur la chaîne ZDF et règne ainsi sur le trio des émissions humoristiques allemandes «heute-show», «Die Anstalt» und «Neo Magazin Royal». Il y a un an, en février, Brugger était intervenue pour la première fois en tant que reporter sur le terrain pour «heute-show». Elle s’est rendue à la soirée de campagne du parti d’extrême droite allemand AfD, a joué à un «jeu du marteau» verbal et a répondu du tac au tac aux soldats de l’AfD en cadence. C’est l’entrée en scène qui lui a ouvert les portes en Allemagne. Depuis, Brugger est une invitée permanente. En décembre, elle s’est rendue au congrès de la CDU et a infligé un camouflet aux caciques du parti populaire allemand. Denker pense que «Hazel Brugger va connaître un grand succès ici en Allemagne.»
En septembre dernier, la Suissesse a démontré à quel point elle est mûre pour l’Allemagne en faisant tomber de son piédestal l’animateur allemand de Late-Night Jan Böhmermann. Invitée à l’émission humoristique hipster phare «Neo Magazin Royal», elle a amené le public à découvrir une nouvelle facette de Böhmermann. Böhmermann a bégayé, Böhmermann a ricané. Il n’a pas réussi à maîtriser Brugger. Böhmermann: «Il est difficile en tant que femme de se faire une place dans le monde de l’humour, y compris en Allemagne. Je ne sais pas si quelqu’un te l’a dit.» Brugger: «J’ai d’abord pensé que tu me disais ça de femme à femme.»
Depuis, Hazel Brugger a une chambre à Cologne. L’Allemagne est son marché naturel. Pas seulement parce qu’elle parle un allemand standard sans accent grâce à sa mère ou parce que contrairement à Emil elle a renoncé aux clichés suisses, mais aussi parce que l’humour a plus d’importance en Allemagne qu’en Suisse. Elle s’explique: «Quand tu évoques à Cologne que tu travailles pour ‹heute-show›, cela ouvre des portes. À Zurich, on m’a refusé des appartements suite à des apparitions chez Giacobbo/Müller.» Ensuite, elle jette un œil sur son portable et dit: «On prend la prochaine sortie. C’est allé vite.» Oui, tout va très vite pour Hazel Brugger.
Image L’étoile montante à Cologne: Hazel Brugger fait fureur avec ses apparitions à «heute-show». Photo Ornella Cacace
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