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La Suissesse Timea Bacsinszky côtoie les plus hautes marches du tennis mondial – après un gros passage à vide en 2013. Son développement coïncide avec une libération intérieure et le «meurtre» d’un père omnipotent.
C’est une histoire de rebonds. Début 2013, Timea Bacsinszky, qui a tapé dans ses premières balles à l’âge de trois ans, avait décidé de poser ses raquettes. L’année 2012 s’était avérée morose. La précédente s’était soldée par des blessures, dont un pied cassé hors tennis. Enfant, elle avait rêvé de devenir serveuse, puisqu’il est dans la nature de cette jeune femme de «faire plaisir aux autres», comme elle dit, même si cela peut sembler paradoxal dans un sport de compétition. Cette année-là, Timea avait donc décidé de suivre un stage dans l’hôtellerie, pour voir autre chose, elle qui avait quitté le gymnase prématurément pour se consacrer au tennis.
Mais fin mai 2013, alors qu’elle s’éloignait peut-être à jamais des courts, la compétition est revenue s’imposer à la jeune Vaudoise sous la forme d’un coup de fil, ainsi que le raconte son coach de toujours, Alexandre Ahr. «Le tournoi de Roland-Garros l’a appelée pour lui proposer de rejoindre les qualifications. Elle pointait alors 220e au classement WTA et elle est partie seule en voiture pour participer à cette sélection. Timea (ndlr: qui perdra au premier tour) s’est alors redonné des moyens pour jouer son tennis.» A ce moment, une des décisions clefs de la joueuse consiste à choisir un nouvel entraîneur. Ce sera Dimitri Zavialoff, l’homme qui a entraîné Stan Wawrinka depuis ses débuts. «C’est quelqu’un qui possède beaucoup de sagesse, dit Timea Bacsinszky. Il est à l’écoute, y compris pour des choses qui n’ont pas directement trait au tennis; et je suis persuadée qu’avec lui, je deviens non seulement une meilleure joueuse, mais aussi une meilleure personne.»
Elle l’a abondamment raconté dans les médias, une ombre plane sur la vie de Timea, celle de son père, Igor Bacsinszky, un entraîneur de tennis de Roumanie qui fut son premier entraîneur. Elle ne le voit plus depuis des années et il aura fallu du temps à l’athlète pour se libérer de lui matériellement – il a passé la main comme entraîneur quand elle avait 13 ans –et ensuite mentalement. «En fait, je n’ai jamais eu de père, il n’était pas disposé à jouer ce rôle et j’ai même fait le deuil de cette idée. Il voulait briller grâce à la gloire», assène la tenniswoman, qui est née d’une mère hongroise à Lausanne en 1989. Timea a fait face à ses démons et à son enfance volée en demandant l’aide d’une psychologue. C’était en 2013. «Je n’ai pas consulté pour le tennis, mais en tant que femme, précise-t-elle, mais au final, cette démarche m’a énormément aidée dans mon développement tennistique.»
Désormais, cette joueuse qui était demi-finaliste de Roland-Garros en juin 2015 commence à faire ses propres choix. «Avant 2013, je suivais le cours des choses telles qu’on me les avait inculquées et non pas le fond de mon cœur», résume-t-elle.
L’année 2014 va marquer le début d’une courbe ascendante pour Timea Bacsinszky. A l’automne, la joueuse bat Maria Sharapova – alors 4e numéro mondiale – au tournoi de Wuhan, en Chine. En janvier 2015, elle bat Petra Kvitova (WTA 4) à Shenzen. Puis les victoires s’enchaînent à Acapulco et Monterrey (Mexique). Elle atteint en outre les quarts de finale à Indian Wells, Marrakech, et Madrid. «Elle a obtenu 13 victoires de suite», rappelle son coach Alexandre Ahr, qui indiquait (fin juin) que la joueuse avait atteint avant Wimbledon le rang réel de 8e joueuse mondiale (mais 15e WTA), en comptant les matches disputés depuis le début. Ahr découvre chez elle «une sorte d’état d’émerveillement».
À l’orée des grands rendez-vous, Timea Bacsinszky dit ne pas ressentir de pression. «Je me regarde dans la glace après un match et je sais que j’ai donné le maximum. Certes, j’essaie toujours de compliquer un maximum la situation de la joueuse à qui je fais face, de la gêner, mais si ça ne marche pas, c’est OK.» Qu’elle joue à Tallin, Kreuzlingen ou Cincinnati, son entraîneur lui demande d’aborder les matches avec la même humilité. Timea se dit «apaisée» et s’énerve moins sur les courts. Dans un reportage de la TSR, diffusé en avril 2008, on la voyait jurer en hongrois après une faute et se faire morigéner par son ancien entraîneur, l’Iranien Erfan Djahangiri. «Je ne jure plus, ou très rarement, même si c’était pratique, puisque personne ne comprenait», rigole-t-elle. Elle a parlé hongrois les quatre premières années de sa vie et pratique aujourd’hui cinq langues, dont l’italien et l’allemand. «C’est quelque chose d’assez suisse», reconnaît cette amoureuse de la fondue et des raclettes, que rien n’emballe plus que de «boire un Rivella», une fois de retour au pays.
Après Roland-Garros la vie a un peu changé pour la Suissesse. Timea a tout de même réussi à inquiéter Serena Williams, la joueuse No 1, en menant 6-4, 3-2. «Après cette demi-finale, les Lausannois n’ont cessé de m’interpeller dans la rue pour me féliciter.» Cette victoire en Grand Chelem a aussi apporté un peu d’argent, mais pas au point de «lui poser des problèmes de riche», assure-t-elle. La joueuse indique simplement être heureuse de pouvoir «financer son propre tennis». Cela signifie notamment que son staff peut l’accompagner la plupart du temps sur le circuit. Mais la belle rappelle que chez les tenniswomen, la carrière s’arrête à 35 ans, et que si effectivement le tennis peut rapporter, il faut être «smart» pour parvenir à rebondir ailleurs.
Outre l’ombre de son père, celle de Martina Hingis a aussi plané sur la carrière de Timea Bacsinszky. Comme Hingis, elle est devenue professionnelle à 14 ans, a remporté deux fois de suite le Tournoi des Petits As, à Tarbes (F), ce qui a créé d’énormes attentes autour de sa personne. Quand elle évoque sa carrière, l’ancienne joueuse No 1 mondiale chez les moins de 14 ans cite parfois le tournoi professionnel de Dinan (F), qu’elle a remporté en 2004 et 2006. En 2004 et 2005, elle sera trois fois demi-finaliste en Grand Chelem Juniors: à l’Australian Open et à Roland-Garros. Elle gagne son premier tournoi WTA à Luxembourg en 2009. Timea Bacsinszky est passée de 285e WTA en 2013 à 15e WTA après sa demi-finale parisienne de juin 2015.
Les personnes emportées très tôt dans la spirale d’un sport de haut niveau vivent parfois des drames intérieurs terribles, dont l’issue peut être la dépression. Cela a été le cas pour l’ancienne gymnaste suisse Ariella Kaeslin, après que la star nationale a raccroché en 2011.
«Leiden im Licht: Die wahre Geschichte einer Turnerin» décrit la vie d’une jeune gymnaste coupée de sa famille pour suivre le chemin de la gloire. Dans le centre de sport à Macolin, les méthodes d’entraînement sont dures. Les jeunes athlètes sont traités comme des objets qu’il suffit de réparer en cas de blessure. Ariella Kaeslin, vice-championne du monde et championne d’Europe au saut de cheval en 2009, sourit sous le feu de projecteurs, mais pleure sous la douche après chaque entraînement. Il faut éponger la violence physique mais aussi verbale des séances, où les remarques dégradantes fusent, sous la pression permanente de la peur d’une prise de poids. Comme pour Timea Bacsinszky, la dépression servira à Ariella Kaeslin de sas ou de signal pour entamer un travail psychologique face à ces expériences traumatisantes de jeunesse. Pour elle, ce moment est arrivé quand elle a expérimenté l’angoissante expérience du vide, après avoir longtemps côtoyé les sommets et les abîmes du sport. Paru en juin, le livre a atteint les 10 000 exemplaires vendus en deux semaines.
«Leiden im Licht: Die wahre Geschichte einer Turnerin»; Christof Gertsch et Benjamin Steffen; Verlag NZZ Libro, 2015; CHF 29.– Eur 19.90, E-Book CHF 19.90
Image Timea Bacsinszky après sa victoire en huitième de finale contre la Roumaine Monica Niculescu le 6 juillet 2015 à Wimbledon
Commentaires
Commentaires :
Merci für den fundierten Artikel. Ich mag sowohl Timea wie auch Ariella und habe grossen Respekt vor ihren Entscheidungen, der Oeffentlichkeit nicht nur die Sonnenseiten ihrer Erfolge zu zeigen. Interessanterweise sind es vorwiegend Frauen im Spitzensport, die den Mut haben, ihr (meist männliches)Umfeld zu diskreditieren, das versucht (hat), sie ohne Rücksicht auf menschliche, emotionale und seelische Verluste zu manipulieren. Well done, my Sisters! Und nur das Beste für Eure Zukunft!