La Suisse? Un pays vieillissant, solitaire, mais heureux
L’Annuaire statistique 2022-2023 offre un instantané de la Suisse. C’est un pays en pleine croissance démographique, du seul fait de l’immigration. Les gens s’y disent heureux. La mobilité y est forte, la voiture omniprésente.
85 ans
Un pays vieillissant
La Suisse est un pays vieillissant. La population helvétique ne se renouvelle plus naturellement. Les décès excédent les naissances. Les femmes avaient en moyenne 3,7 enfants au début du XXe siècle et en ont 1,39 aujourd’hui. Le point d’équilibre se porterait à 2,1 enfants par femme. C’est donc l’apport des résidents étrangers qui participe à la croissance de la population. Celle-ci est passée de 4,717 millions en 1950 à 7,204 millions en 2000. Elle a dépassé les huit millions en 2020, pour atteindre neuf millions en 2023. Une croissance record en Europe! La pyramide des âges se renverse inexorablement. Entre 1900 et 2022, la part des jeunes de moins de 20 ans a diminué de moitié, passant de de 40,7% à 19,9%. Dans le même temps, celle des plus de 64 ans a augmenté de 5,8% à 19,2%. Chez les personnes de 80 ans ou plus, ce taux a même décuplé, passant de 0,5% à 5,5%.
En 2022, le pays comptait 1948 centenaires, dont trois quarts de femmes. Ce nombre ne cesse de progresser. Un tiers des filles nées en 2022 devraient devenir centenaires. L’espérance de vie à la naissance a doublé depuis la fin du XIXe siècle. En 1950, à sa naissance, une femme pouvait espérer vivre jusqu’à 70 ans. Aujourd’hui, elle vivra encore 15 années de plus. Certes, vieillir implique de voir sa santé décliner. Ainsi, dès 75 ans, la moitié de la population souffre de problèmes de santé de longue durée. Pourtant, les aînés suisses semblent plutôt heureux. En 2021, près de deux personnes sur cinq – dès 16 ans – se disaient très satisfaites de leur vie actuelle. Et ce sentiment de bien-être augmente avec l’âge (mais aussi en fonction du niveau de formation et de revenu)! Cependant, ce déséquilibre des âges pose d’énormes défis en matière d’assurances sociales, puisque la part de personnes qui cotisent diminue. Idem pour assurer la prise en charge de ces cohortes d’aînés par du personnel de santé.
20%
Un pays de «solos»
Plus un pays est riche, plus la vie y est individualisée. La riche Suisse n’échappe pas à ce schéma. Plus d’un tiers des quatre millions de ménages en Suisse comptent une seule personne. Autrement dit, près de 20% de la population résidante permanente vit dans un ménage solo. Les foyers sans enfants ont plus que doublé depuis 1970. Dans le même temps, les ménages avec une seule âme ont triplé. Cela dit, même si les ménages familiaux avec enfants représentent moins d’un tiers du total, 41% de la population vit dans ce type de foyer. Quant aux ménages monoparentaux, ils représentent 16% de tous les ménages familiaux. Vit-on bien seul? Il apparaît que les personnes vivant en couple, avec ou sans enfants, sont nettement plus satisfaites de leur vie que les personnes seules, ou seules avec un enfant. En 2010, on estimait qu’un mariage sur deux risquait de se terminer par un divorce. Il s’agirait plutôt selon les prédictions actuelles de deux mariages sur cinq. Notons que les femmes subissent plus de violences que les hommes. En 2022, la police a enregistré un total de 42 homicides, dont 25 ont eu lieu dans le cadre domestique. Sur ces 25 personnes décédées, 18 étaient de sexe féminin.
26%
Un pays doté d'une importante population étrangère
En 2022, 26% des résidents et résidentes permanents en Suisse ne possédaient pas un passeport suisse. Mais près d’un cinquième de ces personnes sont nées ici. La même année, la population résidante permanente de quinze ans ou plus se composait même de 40% de personnes issues de la migration. Il faudrait ajouter à ce tableau, unique en Europe – le Luxembourg fait exception à cette règle avec 47% d’étrangers – l’apport du travail des frontaliers, qui dans certaines régions a connu une augmentation spectaculaire. Un exemple: le nombre de frontaliers français. Il est passé de moins de 80'000 personnes avant 2005 à près de 220'000 en 2022.
L’apogée du solde migratoire a eu lieu en 1961, où il s’est élevé à plus de 100’000 personnes. En 2021, celui-ci s'est établi à 61’500 personnes. Ce basculement a eu lieu dès 1999, où la migration internationale est devenue le principal facteur de croissance démographique, dépassant définitivement l’accroissement naturel. Notons aussi qu’en 2020, le pays a compté 61’000 naissances d’enfants suisses contre 24’900 d’enfants étrangers. Les communautés les plus nombreuses dans le pays viennent d’Italie, d’Allemagne et du Portugal. Cela se reflète dans les langues parlées, puisque la proportion de personnes parlant italien (23%) est identique à celle de personnes parlant d’autres langues que les quatre langues nationales. Et l’asile ? En 2022, 24’511 demandes d’asile ont été déposées. Ce qui est proche de la moyenne depuis 25 ans (22'500 requérants). Ces réfugiés sont notamment venus d’Afghanistan, de Turquie, d’Érythrée et de Syrie. Il faut ajouter à ce chiffre environ 66'000 réfugiés ukrainiens qui bénéficiaient fin 2023 d’un statut de protection avec le permis S.
6,6 millions
Un pays très motorisé
L’espérance de vie est le signe d’un pays riche. La mobilité aussi. Les Suisses se déplacent beaucoup. En 2021, ils ont parcouru en moyenne 30 km par personne et par jour à l’intérieur du pays. La plus grande partie des distances quotidiennes parcourues à l’intérieur du pays – 69% en 2021 – l’est en voiture. Les loisirs représentent le principal motif de déplacement, avec une part de 43% des kilomètres franchis. Cela, devant le travail (28%). En 2022, près de 6,6 millions de véhicules routiers à moteur étaient immatriculés en Suisse, dont 4,7 millions de voitures de tourisme et 800’000 motocycles. Depuis 1980, le nombre de voitures de tourisme a plus que doublé, celui des motocycles a presque sextuplé. Les coûts des transports routiers s’élèvent à 76,8 milliards au total. Bien plus que ceux dédiés aux transports ferroviaires (12,1 milliards). En 2022, les routes suisses ont enregistré 18’396 accidents: 241 personnes y ont perdu la vie, 4002 ont été grièvement blessées et 17’896 légèrement. Les transports motorisés consomment majoritairement des énergies fossiles (93% en 2022). En 2021, les transports motorisées ont été responsables de 38% des émissions de CO2 en Suisse (sans compter l’aviation internationale).
«À la manière d’une boussole, l’Annuaire statistique suisse peut vous servir à vous orienter dans votre cheminement à la découverte de la Suisse». Voilà comment le directeur de l’Office fédéral de la statistique, Georges-Simon Ulrich, décrit la dernière édition de cette bible statistique. L’ouvrage ne compte pas moins de 412 pages et aborde une foule de sujets. Nous avons retenu de cette photo trois grands éléments. Ils ont trait à la démographie, l’immigration et la mobilité, poste dont la part sur les émissions de CO2 est majeure.
La Suisse en chiffres – Annuaire statistique 2022/2023; Parution 30 novembre 2023, ISBN 978-3-303-00721-1, 412 pages, Prix 90 francs
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